Mon ami Dahmer

Au milieu des années 70, John "Derf" Backderf rencontre Jeffrey Dahmer au lycée. Le jeune homme est étrange, réservé et il reste le plus souvent seul dans son coin ! Rien ne peut laisser penser qu’il deviendra l’un des pires tueurs en série américains. Derf nous raconte donc sa rencontre avec cet ado bizarre, ces années lycée et tout ce qui précède le premier meurtre…

Par fredgri, le 17 octobre 2015

Notre avis sur Mon ami Dahmer

Jeffrey Lionel Dahmer, surnommé « le cannibale de Milwaukee », est un tueur en série américain qui a assassiné dix-sept jeunes hommes entre 1978 et 1991, date ou il est finalement arrêté. Le 28 novembre 1994, il est battu à mort par un autre prisonnier…

Derf Backderf revient alors sur la période ou il a connu Dahmer, au lycée. Il nous raconte les souvenirs de ce jeune homme introverti et asocial qui parfois imitait les crises d’épilepsie de sa mère pour faire rire ses camarades… Il s’est beaucoup documenté, il a lu les rapports du FBI, a interviewé des proches, lu les témoignages du père, discuté avec la mère… Petit à petit, devant nous se dessine donc le portrait d’un garçon qui glisse lentement vers l’inexorable.
Et c’est intéressant de voir que l’auteur ne se sert pas de ce prétexte pour nourrir une sorte de voyeurisme malsain en décrivant les meurtres, il s’en tient à ce qui l’intéresse, le Dahmer tel qu’il l’a connu, en mettant en avant, néanmoins, les signes qui pouvaient montrer certaines prédispositions, un certain malaise, des détails qui ajoutés les uns aux autres pouvaient laisser présager un dérapage. Mais ce portrait n’est jamais bassement condescendant, il reste en retrait, il tente de contextualiser en mettant en avant la situation familiale de Dahmer, en parlant de son homosexualité frustrée et sa difficulté à simplement s’intégrer dans la vie scolaire !

Alors, bien sur, il en résulte une absence d’émotion véritable et un portrait entièrement tourné vers le futur tueur qui se dessine derrière ce lycéen. On comprend bien que les actes à venir sont tellement ignobles qu’ils imprègnent immanquablement les souvenirs des uns et des autres. Mais je trouve le propos de Backderf suffisamment habile pour justement tenter très régulièrement de replacer Dahmer dans un contexte plus général ! Toutefois, le scénario garde une structure d’ensemble assez brouillonne, on passe d’un souvenir à l’autre, avec des ellipses abruptes, en ayant l’impression que l’auteur lui même disparait de ce quotidien, ne compte plus, au profit de son sujet…
Backderf se dépersonnalise complètement et appuie tellement sur les "travers" de Dahmer qu’on se demande aussi, comment personne n’a simplement pas pensé sonner un signal quelconque à un moment donné !!!

Derf Bacderf nous entraîne donc dans les rouages complexes d’un sociopathe qui semblait perdu d’avance. Nous ne sommes pas réellement dans du polar, bien plus dans une sorte de chronique sociale qui mélange extraits de souvenirs, de drames familiaux et dérapages psychologiques. L’auteur ne tente pas réellement d’expliquer, juste de fournir des pistes de lecture, de débat. Certes le sujet pourrait vite emporter le scénario vers une sorte de développement policier, mais ça n’est jamais le cas !

"Mon ami Dahmer" n’est pas un album à proprement dit exceptionnel, mais il est transcendé par la puissance du sujet et l’originalité de l’idée qui tient tout, bien plus que par les qualités d’écriture ou du graphisme. Il ouvre tout de même une très intéressante fusion entre récit biographique, intimisme et enquête très scrupuleusement menée !

A noter cette très belle version de poche au Point, avec une intro de Stéphane Bourgoin et des annexes en fin de volume qui reviennent sur les sources de Backderf, des notes qui reprécisent des passages, qui expliquent des détails !!! Très instructif et passionnant !

Très recommandé !

Par FredGri, le 17 octobre 2015

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