MOI RENE TARDI PRISONNIER DE GUERRE AU STALAG II B
Mon retour en France

Le 29 janvier 1945, suite à l’avancée menaçante des troupes russes sur le territoire polonais, les prisonniers de guerre du Stalag IIB situé à Czarne/Hammerstein ont été, sous les ordres de leurs tortionnaires allemands, obligés de se déplacer. C’est donc sous des températures négatives mordantes et des coups de crosses douloureux que les malheureux détenus entament une longue errance inhumaine. Le sergent-chef René Tardi, qui partage le triste sort de ces déportés, a décidé de consigner, sur les pages d’un cahier d’écolier, leurs différentes et longues pérégrinations en direction de leur point cardinal favori, l’ouest. Les quatre mois qui vont s’écouler et qui présagent un retour possible en France, vont être, pour ce dernier ainsi que pour ses pairs, l’occasion de vivre des situations on ne peut plus éprouvantes, proches de l’enfer, sur un territoire complètement martyrisé.

Par phibes, le 15 décembre 2014

Notre avis sur MOI RENE TARDI PRISONNIER DE GUERRE AU STALAG II B #2 – Mon retour en France

Après un premier tome qui explicitait l’éprouvante captivité de son père au Stalag IIB en Pologne lors du second conflit mondial, Jacques Tardi revient dans la suite de cette évocation très personnelle, pour cette fois-ci, nous dévoiler le dur retour au pays de celui-ci.

Force est de constater que ce deuxième opus s’appuie de façon chronologique sur les différentes étapes du parcours du prisonnier de guerre, dans un cheminement particulièrement éprouvant. A partir de données laissées chichement par ce dernier sur du papier, Jacques Tardi parvient, à sa manière, à retracer son périple ô combien marquant et à le matérialiser d’une manière certes tout à fait simple et naturelle, mais aussi pour le moins captivante.

Comme dans le premier volet, l’artiste se retrouve aux côtés de l’ancien responsable du char H 39 et l’accompagne, virtuellement, tout au long de son errance. Ils instaurent ensemble un dialogue original, volontairement décalé, qui permet, d’une part, d’entendre le récit intime du prisonnier dans son exode forcé, évoquant avec beaucoup de verve son quotidien harassant, à la fois dramatique, horrifique même, peuplé d’anecdotes guerrières et d’appréciations personnelles, et caressant quelque part un espoir grandissant. D’autre part, il vient, via lui-même jeune, contrebalancer les vides ou erreurs de son père en soulevant des questions, parfois une certaine exaspération ou en apportant sa connaissance plus générale du conflit, des lieux, des belligérants, assurément bien bénéfique pour donner plus de profondeur à la narration et la cadrer historiquement.

Aussi, à la faveur de cette narration très nature dont Jacques Tardi a le secret, on reste scotché face aux évènements décrits. En marge de l’Histoire lue dans les livres, on appréhende ici un témoignage personnel sans appel au regard de la réalité du terrain et qui met en évidence toute la bestialité de la guerre. On se laisse envahir par le tourment de ces prisonniers sans aucune perspective de lendemain et pourtant gardant au tout fond d’eux-mêmes un fol espoir. On se laisse gagner par les émotions et également par une certaine rébellion devant un tel carnage.

Le concept graphique est toujours aussi efficace. Jacques Tardi dont le trait très stylisé a pu animer avec virtuosité des personnages comme Adèle Blanc-Sec et Nestor Burma, nous offre un nouveau panel de son talent ô combien aiguisé quand il s’agit de dessiner la guerre. Comme dans le premier tome, dans cet univers en noir et blanc, l’artiste fait usage de quelques pointes de couleurs et de ce de manière très habile, à partir du moment où l’espoir de retrouver le pays semble permis.

Un deuxième tome parfaitement écrit sur une démarche honorifique personnelle puissante qui n’est pas sans susciter affliction et colère, et qui a poussé son concepteur à marcher récemment sur les traces de son père. Un témoignage du grand Tardi à ne manquer sous aucun prétexte !

Par Phibes, le 15 décembre 2014

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