Moi, assassin

Enrique Rodríguez Ramírez est un professeur d’Histoire de l’Art extrêmement bien côté, à la réputation bien installée, à l’apogée de sa carrière. Il dirige un groupe d’étude intitulé : «Chair souffrante, la représentation du supplice dans la peinture occidentale.» Mais en parallèle, dans l’ombre il pratique une discipline plus secrète, dans laquelle il construit progressivement une œuvre en soi: l’assassinat. Chaque nouveau cas est différent des précédents, chaque meurtre est un challenge artistique qu’il met en scène scrupuleusement, se préservant du regard extérieur… Ces succès insolubles il les garde pour lui seul… Jusqu’au jour ou la police vient le trouver pour un autre cas ou bien sur il n’a rien à voir… Son secret serait il dévoilé ?

Par fredgri, le 3 octobre 2014

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Notre avis sur Moi, assassin

"Moi, Assassin" est un album troublant, car il nous emmène dans les pensées d’un homme qui assume pleinement son activité d’assassin, qui décrit froidement certain cas, qui explique ses modus operandi ou plutôt la méthode et la démarche qui se cachent derrière ces meurtres de sang froid, sans motif autre que l’acte lui même, le plaisir intellectuel qui dirige le geste.
Évidemment, c’est assez verbeux et somme toute plutôt démonstratif, car Antonio Altarriba s’attarde beaucoup sur le côté théorique de son personnage, lui même professeur, qui décortique, qui explique en long et en large. Malgré tout, c’est aussi fascinant de suivre le processus qui se déploie devant nous, malgré cet aspect presque scolaire dans le discours…

Avec cet album nous entrons dans une sorte de polar au limite du genre, de ceux qui ne suivent pas les pistes habituelles, même s’il peut arriver qu’ils s’en rapprochent, comme au moment ou Enrique reçoit la visite de la police, ou la machine commence doucement par se gripper, sans pour autant véritablement tomber dans les pièges les plus évidents.
Le scénario garde donc une approche réellement très adroite ! Altarriba contourne les codes en imaginant des pistes périphériques ou son héros déjoue tout les modèles classiques du tueur. En même temps, il établie un cas de figure un peu trop parfait, il s’étend sur sa démonstration et même s’il tente dans le dernier tiers de l’album de revenir sur sa copie il n’en demeure pas moins que cet Enrique manque progressivement de profondeur, qu’il ne devient en fin de compte que le reflet d’une idée sans arriver davantage à s’imposer.

Alors oui cette idée reste très intéressante, elle inscrit l’acte de tuer dans une démarche artistique, elle s’appuie sur des références picturales, soulignées par des analyses d’œuvres etc. C’est passionnant, malgré un filtre parfois un peu pompeux. Mais en deshumanisant l’assassinat, en l’élevant au rang d’Art, les auteurs le rendent peut-être anecdotique, générique, presque insignifiant pour ce qu’il est. Les victimes ne comptent plus, elles disparaissent au profit de l’idée qui dirige la main.
Bon, on a tout de même droit à des scènes du quotidien, cette activité "coupable" finit par influer sur la vie d’Enrique, bien plus qu’il ne pourrait l’avoir pensé à un moment donné. Mais il continue de garder cette façade assez froide, à l’image de l’atmosphère du récit.

Pour accompagner ce scénario finement ciselé Keko livre des planches en noir et blanc, relevées deçi delà par des touches de rouge, absolument magnifiques, très contrastées, jouant habilement avec la lumière, les sous expositions, les contours. C’est du très beau travail d’ambiance qui correspond parfaitement au scénario. Une collaboration très cohérente !

"Moi, Assassin" a de quoi surprendre, avec une fin ouverte qui laisse planer le mystère, intelligemment ! Chapeau !

Recommandé !

Par FredGri, le 3 octobre 2014

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