MOBY DICK (CHABOUTÉ)
Livre Premier

Ismaël est jeune, il arrive un soir à l’auberge de la baleine et se retrouve à partager un lit avec Queequeg le harponneur cannibale. Étrangement une amitié commence alors entre les deux hommes qui se retrouvent embarqués ensemble sur le Pequod, un baleinier sous le commandement du Capitaine Achab. Mais alors que la vie à bord s’organise, qu’Ismaël trouve sa place, les plans du capitaine deviennent de plus en plus clairs. Il n’est pas seulement question d’aller chasser le cachalot, d’approvisionner ses cales en huile, non, le véritable but est surtout de poursuivre aussi loin qu’il le faudra la grande baleine blanche, terreur des mers, Moby Dick elle même…

Par fredgri, le 17 décembre 2013

Notre avis sur MOBY DICK (CHABOUTÉ) #1 – Livre Premier

"Achab nourrit envers la baleine une fureur vengeresse… L’identifiant à ses douleurs physiques, mais aussi à tous ses tourments et ses souffrances morales !! La baleine blanche nage devant lui, obsédante incarnation de ces puissances malignes.
Brulé en dehors, et rongé en dedans par cette incurable idée fixe !!! Il était tout désigné pour affronter ce monstre ! Et si l’on présumait que son infirmité l’en empêcherait, il serait alors l’homme par excellence capable de mener ses subalternes au combat !"

Dans la cale du Pequod un vieil homme raconte la "légende" du capitaine Achab et sa quête sans fin à la recherche de la grande baleine blanche. Son auditoire est silencieux…
L’histoire de Moby Dick est bien plus celle de cet homme torturé qui regarde fixement l’horizon, qui transforme une campagne en mer en véritable voyage obsessionnel, Achab donnant le sentiment de s’ériger en héros vengeur qui doit absolument abattre une créature mythique symbolisant le mal. D’ailleurs tout est là pour appuyer l’aura horrifique qui entoure la cachalot, une gueule béante, des cicatrices, des harpons plantés dans son flanc… Le tout mâtiné d’un côté naturaliste avec la description de la pèche à la baleine, le dépeçage, l’huile etc.

Dans cette première partie, Chabouté n’en est pas encore à la confrontation avec le "monstre", on reste dans l’évocation. Dans l’esprit du lecteur se forme alors une image terrifiante comme le décrit ce capitaine au regard de fou qui n’hésiterait pas une seconde à sacrifier le moindre de ses hommes et même sa cargaison pour ne serait-ce qu’approcher et affronter Moby Dick ! Ce premier volume est donc avant tout le récit d’une folie qui s’immisce progressivement dans l’histoire. On comprend qu’il n’est pas juste question d’un homme qui veut se venger, qu’il y a toute une symbolique sur le bien et le mal, une symbolique qui extrapole le cadre même de la seule aventure. On est au cœur d’un homme, de sa vie qui ne peut trouver un sens que dans la confrontation avec son cauchemars vivant, l’acte de prendre une revanche sur le désespoir qui le détruit. L’ultime geste, l’ultime souffle sans lequel plus rien ne compte !

Chabouté adapte très fidèlement le livre, néanmoins il fait aussi preuve d’une extraordinaire sobriété, alternant de nombreuses pages muettes qui insistent sur des expressions, sur des gestes ou simplement sur des ambiances (toute la première séquence est un modèle du genre, une silhouette qui se profile sur l’horizon, le jeune homme entre en ville, se glisse entre les murs, on entendrait presque le bruit de la mer, en fond !) et des planches plus dialoguées ou l’artiste déploie un art de la caractérisation parfaitement dosé. Avec lui, pas de chichis, tout est pensé au millimètre. Et même si l’on reste très ancré dans le livre de Melville on est, finalement, bel et bien dans un album de Chabouté, avec tout ce qui le caractérise !
Une tension qui nous prend les tripes dès le début. Un graphisme torturé, avec des masses noires sublimes, des gueules tordues qui nous regardent par en dessous et une espèce de matière pleine de vécu, rongée par la vie en mer, par le vent qui souffle, plein de sel !

Au fil des pages, nous plongeons dans la tragédie en devenir et dans la vie de ces hommes, tous à leur rôle, leurs gestes précis, cette terminologie de marin qui sonne presque comme une incantation aux dieux des mers et des vents ! On attend le signal, une forme qui pourrait se profiler à l’horizon. Un trait noir sur le papier blanc, le baleinier s’éloigne car ça n’est que le début…

Chabouté nous propose un nouvel album envoutant, s’attaquant ici à l’un des grands chefs d’œuvre de la littérature. Rencontre entre deux visions, entre deux artistes passionnants !

Indispensable !

Par FredGri, le 17 décembre 2013

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