MINOTS DE MARSEILLE (LES)
Esprit d'équipe

Arrivant du Nord de la France, Léo et sa maman débarquent à Marseille. Le jeune garçon va devoir se faire à sa nouvelle vie et à la cité phocéenne. Cela passe pour lui par le foot, mais les jeunes de la cité ne l’entendent pas de cette oreille. Différentes rencontres vont changer la donne et voir une véritable équipe de choc se constituer autour du petit gars aux yeux bleus !

Par v-degache, le 6 janvier 2021

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Notre avis sur MINOTS DE MARSEILLE (LES) #1 – Esprit d’équipe

L’album s’ouvre sur une magnifique vue de Copacabana… Ah non, en fait on est à Marseille, où vient de s’installer le jeune Léo, 12 ans, avec sa maman. Mais, jeune futur lecteur du Tome 1 des Minots de Marseille, je t’arrête tout de suite !
Si la BD est estampillée « Produit officiel de l’OM », avec un joli sticker brillant au dos, tu ne trouveras pas trace de tes stars qui ont brillé au Vélodrome ! Point de Kostas Mitroglou, Christian Gimenez ou Cyril Chapuis pour faire trembler les filets ! Tout au plus croiseras-tu à la page 8 un ballon estampillé OM, tout droit sorti de la boutique du club !

Par contre, tu vas découvrir une équipe de choc se constituer autour du jeune Léo, que les méchants enfants du quartier ne laissent pas jouer sur le terrain en bas des tours de la cité ! La jeune Zelda te montrera qu’il faut désormais compter avec les filles au foot, Chang et son col toujours remonté te laisseront encore l’espoir que l’avenir du foot mondial, c’est l’Asie, Driss et son surpoids te rappellera quant à lui Dimitri Payet ! Il manque quand même Godzilla, le bg « gitan » de cette futur dream team, qui devait s’ennuyer et être déçu d’avoir raté le casting des Marseillais à Cancun, et décide de rejoindre les autres !

Je te vois venir jeune Padawan ! Tu vas me rétorquer : « mais le ch’ti gars du Nord blond aux yeux bleus, le petit Chinois vif et rapide, la fille indépendante et sexy, le jeune noir en surpoids et harcelé, le gitan costaud, le tout évoluant dans une Marseille, sorte de 9.3. du Sud, ça ne serait pas un peu stéréotypé et cliché tout ça ?
Que nenni !

Derrière ce pitch assez classique, lorgnant aussi vers le chef-d’œuvre filmique de Philippe Dajoux, Les collègues, et son mythique gardien Igor, ainsi que vers l’univers de Robert Guédiguian pour l’atmosphère et la gouaille marseillaise, Les minots de Marseille propose une vraie étude sociologique et politique du microcosme marseillais, et plus largement de la société française.
On a rarement vu une BD plus ambitieuse dans le choix des thématiques abordées. La fracture urbaine et les inégalités socio-spatiales sont tout d’abord au cœur du récit. Le jeune Léo se retrouve dans une de ces cités emblématiques de l’échec de la politique de la ville en France ces dernières décennies. Il subit violences et brimades, jusque sur le terrain, dans un territoire qui cumule les handicaps. Sa riche partenaire est elle représentative de la poussée de ces quartiers résidentiels aisés, qui ont tendance à se fermer, sur le modèle des gated communities étatsuniennes, afin d’échapper à une violence proche. Quant à Chang, il permet d’évoquer la ghettoïsation de certains quartiers, concentrant ici une population d’origine asiatique subissant en silence racisme et discriminations.

Mais Les minots de Marseille ne s’arrête pas là ! L’ostracisme et le sexisme subit par les filles est ici évoqué à travers le football et le personnage de Mia. L’omniprésence de l’homophobie dans ces quartiers dits "sensibles" apparaît aussi à la page 39 (l’équipe de Léo se fait traiter de « p’tits pédés » !). Quant à Driss, c’est bien sûr l’occasion de dénoncer à travers lui une grossophobie palpable dans l’ensemble de la société française, que les auteurs opposent habillement avec les corps jeunes et sexies des plages marseillaises, présents à la page 8.
Enfin, une bonne partie de l’Europe est aujourd’hui concernée par le rejet de ceux que l’on peut regrouper sous le terme générique de « gens du voyage ». S’ils sont de nos jours nombreux à être sédentarisés, ils n’en restent pas moins, encore trop souvent, rejetés et victimes de mépris voire de racisme. Le personnage de Godzilla permet une valorisation de ces « gitans » (peut-être un hommage du scénariste au grand Daniel Guichard !) aux yeux du jeune public, et de sortir encore des stéréotypes trop souvent véhiculés, des cours de récrés aux tables du PMU local !

Tu me diras : la coupe est déjà pleine pour un premier tome, que d’enjeux narratifs dans une seule BD (et ici pas question de mallette ou de figuier pour ramener cette coupe à la maison) !
Evidemment, c’est déjà beaucoup pour un ouvrage jeunesse ! Peut-être que le tome 2 ira vers d’autres problématiques et d’autres cieux, tels le trafic de drogue, la prostitution, la descente aux enfers du DFCO ou le trafic d’organes !

Le dessin de Pedro J. Colombo (qui nous avait gratifié d’un magnifique Le photographe de Mauthausen en 2017) est très honnête pour une production jeunesse de ce type ! Seul le choix de représenter les yeux de Léo et Zelda sans pupilles, mais avec d’énormes iris bleu et vert peut surprendre, les faisant ressembler à des acteurs de L’invasion des profanateurs de sépultures ! Quant au scénario de Zampano, qui a, comme Colombo, déjà travaillé sur la série mère Droit au but !, on a déjà loué plus haut toutes ses qualités !

Ce tome 1 de la nouvelle série de l’éditeur Hugo & Cie attaque fort ! On est impatient de retrouver nos jeunes héros faire frissonner à nouveau la cité phocéenne, fonçant vers la gloire et le succès, et ceci sans l’appui du rapide Jacques Mellick !

Par V. DEGACHE, le 6 janvier 2021

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