Mezek

En 1948, alors qu’il vient juste de proclamer son indépendance, l’Etat d’Israël se voit la cible de raids meurtriers perpétrés par l’aviation égyptienne. Face à ces assauts répétés, la récente petite nation du peuple juif lui oppose, non sans quelques résultats probants, une flottille pour le moins disparate, composée de mercenaires en tout genre et de tout horizon. Parmi ceux-ci, le pilote suédois Björn est de loin le meilleur de sa caste, remportant de nombreuses victoires au nom de l’étoile de David. Malheureusement, les machines surnommées les Mezek (c’est-à-dire des Messerschmitt tchèques relookés) sur lesquelles lui-même et ses compagnons volent, se révèlent de véritables fers à repasser au point que les pertes pas forcément liées aux combats sont pléthores. Mais celles-ci, aussi tristes soient-elles, n’entament pas pour autant leurs motivations à faire tomber l’adversaire et leur propension à profiter de la vie. Toutefois, la présence de ces mercenaires est de nature à susciter chez certains autochtones quelques jalousies voire quelques interrogations sur leur passé. A ce titre, quel est celui de Björn et pourquoi son engagement au profit de la cause israélite ?

 

Par phibes, le 1 avril 2011

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2 avis sur Mezek

Au regard de la couverture de ce one-shot qui intègre fièrement la superbe collection Signé de chez Le Lombard, tout porte à croire qu’il ne peut être qu’un gage de qualité. Tout d’abord, le fait de rejoindre le fameux catalogue chargé d’œuvres personnelles d’auteurs avertis et reconnus du 9ème art, suppose évidemment que la thématique mise en exergue sera de haut vol. Par ailleurs, l’affichage de deux noms tels que Yann et André Juillard se suffit à lui-même pour confirmer l’irréprochabilité de la teneur de l’ouvrage concerné.

Force est de constater que cet album ne dément pas les affirmations ci-dessus. En effet, en termes de scénario, Yann nous entraîne au cœur de l’Histoire de l’Etat Hébreu, au moment où celui-ci a pris la résolution de s’émanciper et se voit grevé par les assauts meurtriers répétés de l’aviation égyptienne. Pour ce faire, le scénariste s’empare de faits réels et se permet d’en dévoiler leurs subtilités. Ces dernières passent par la naissance de l’aviation israélienne (l’israeli air force) via l’utilisation d’avions allemands (les Messerschmitt) récupérés, trafiqués et pilotés par des mercenaires recrutés par les autorités juives (d’où un certain déséquilibre entre les forces en présence que l’auteur ne manque pas de nous faire comprendre).

Dans ce cadre historiquement convaincant qui traduit une recherche documentaire imparable, Yann y introduit sa fiction liée à son personnage central, le suédois Björn, et à ses péripéties aéronautiques. Evitant justement de rentrer dans une aventure à la Papy Boyington, l’auteur évoque avec un brin d’humanisme et sans volonté d’en faire un héros intouchable, son rôle officiel, ses missions, ses relations avec ses pairs, ses déductions techniques et également son secret.

Aucune violence gratuite n’est à recenser dans cette belle histoire qui se veut d’une grande adresse dans l’usage de ses dialogues étudiés, peuplés de jargon hébraïque. Le tout est des plus remarquables, à la fois didactique et passionnant. Le contexte décrit est surprenant, mêlant histoire de guerre aux accents féminins et d’amour difficile, selon des plans parfois fatalistes, parfois déconnectés de la dure réalité.

André Juillard, le père graphique de Masquerouge, de Plume aux vents, du Long voyage de Léna, de certains épisodes de Blake et Mortimer… nous envoûte carrément de par cet univers qu’on lui reconnaît et qui se veut d’une élégance rare. Son parcours au sein de ce one-shot est sans faille aucune. La justesse historique, la délicatesse de son trait captivent inéluctablement grâce à l’harmonie de son ensemble pictural, à son authenticité, sa précision d’exécution, grâce aux formes généreuses, aux expressions de ses superbes personnages, grâce à ses actions les plus diverses (scènes de combats aériens…) relatées dans une colorisation sans excès. Le travail qui reste à la hauteur de ce que l’auteur a déjà réalisé, est d’un tel éclat que l’amateur de ce style ligne claire en sera totalement et obligatoirement subjugué.

Une histoire intégrale admirablement réalisée que la collection Signé de chez Le Lombard peut se targuer d’avoir dans son catalogue. A noter qu’en marge de cette édition courante, un tirage limité avec une couverture différente (tons jaunes) a fait l’objet d’une publication.

 

Par Phibes, le 27 avril 2011

Ce qu’il y a d’encourageant avec tout ces albums tournant autour de l’aviation, c’est qu’ils ne s’adressent pas nécessairement aux amateurs éclairés, et ce malgré certains détails de dialogues plus techniques. Car il faut dire qu’ici, en dehors de l’Histoire, de ces embrouilles à base d’avions défectueux, on est face à des hommes engagés dans une cause importante, même si c’est aussi un boulot très rémunérateur.

Ainsi le récit se fait au rythme des états d’âme de Bjorn, tiraillé entre son passé, ses missions, cette fameuse cause et sa position de mercenaire pas toujours appréciée des autres pilotes israéliens. Et c’est donc par ce léger filtre que nous découvrons les enjeux de ce conflit, de cet état qui se construit, qui s’oppose et qui essaye coute que coute de maintenir ses objectifs, même si cela signifie qu’il faille payer des pilotes étrangers pour l’aider à se défendre !

Le graphisme de Juillard, tout en douceur et ne retenu vient donc appuyer le scénario de Yann qui garde un certain recul vis à vis de cette Histoire. On est concentré sur les personnages, on entend les échos de l’actualité, mais c’est surtout les méandres de la conscience de Bjorn qui vont nous guider dans l’intrigue. Yann fait ici un incroyable travail à la fois de documentation, mais de mémoire surtout. Peut-être reste-t il un peu trop didactique sur le fond, qu’il se répète beaucoup et insiste plus que nécessaire sur le rôle de ces mercenaires, sur cette scission qui s’opère entre eux et les autres. Du coup, il y a un petit effet redondant, progressivement, dans le scénario. Mais c’est très adroitement, néanmoins, équilibré par "l’action", par les moments plus intimistes, par le récit lui même. Et à la finale on se retrouve entraîné dans un album passionnant, très touchant qui éclaire tout un pan de l’Histoire moderne.
Une très belle découverte et un pu plaisir de lecture !

Par FredGri, le 11 février 2013

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