Mendiants et orgueilleux

Ancien érudit réputé et en proie à des vertiges hallucinatoires dû à la consommation irrégulière de drogue, le vieux Gohard a le geste malheureux en étranglant, dans un état second, Arnaba, l’une des pensionnaire du bordel de Set Amina, bordel dans lequel il officie en tant que "prête-plume". L’officier de police Nour El Dine, homosexuel patenté, est immédiatement mis sur l’affaire et se doit d’interroger des personnages qui le rebutent. En effet, le quartier d’El Azhar est peuplé d’une faune désargentée, qui, contre toute attente, s’enorgueillit de sa malheureuse situation.
 

Par phibes, le 1 janvier 2001

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Notre avis sur Mendiants et orgueilleux

En septembre 1991, les éditions Casterman, dans leur collection "A suivre", éditaient pour la première fois la version en bande dessinée du roman éponyme d’Albert Cossery, écrivain français d’origine égyptienne. En ce mois de février 2009, les éditions Futuropolis ont pris pour parti de le remettre dans les bacs dans une version luxueuse aux couvertures hautes en couleur.

Au départ de l’aventure, on peut être perturbé par le monde atypique et lénitif que nous décrit Cossery par l’intermédiaire de Golo. Cette succession de situations équivoques, auréolées de dialogues un peu à l’emporte-pièce, ont tôt fait d’interpeller le lecteur profane. Toutefois, au fil des planches, une fois bien imprégné de cette atmosphère exotique, on finit par succomber à cette vision miséreuse complaisante et à son appel humaniste.

Aussi, les méfaits premiers de Gohar, personnage instruit, consommateur de haschich et développant un culte de vie basé sur l’oisiveté, sont vite complétés par les interventions curieuses d’autres personnages tels que El Kordi, le fonctionnaire ministériel révolutionnaire, Yeghen, le dealer peu gracieux,et le policier bourgeois. Ce petit monde nous entraîne dans un tourbillon de l’indigence dont les concernés se targuent de l’entretenir avec plaisir et caractérise au mieux l’état d’esprit peu vénal de son auteur.

Humour cocasse, légèreté, questionnement sur la vie elle-même, engagent le récit dans une voie bien sympathique que Golo a su mettre en image d’une manière fort plaisante. Fortement pénétré par l’ambiance des quartiers cairotes, le dessinateur, qui est également à l’honneur avec "Mes mille et une nuits au Caire" paru chez Futuropolis, réalise des graphiques épurés, sans trop d’artifice, colorisés dans des tons vifs. Le trait est direct, imprécis, pauvre en détails mais riche en expressions, témoin d’un travail d’un certain âge.

Voilà donc une édition superbe voire opulente, cachant un petit trésor de pauvreté heureuse à redécouvrir dans sa simplicité absolue.
 

Par Phibes, le 22 avril 2009

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