MEMOIRES DE VIET KIEU
Les mariées de Taïwan

 
Une importante diaspora vietnamienne existe à Taïwan et, ce qui intrigue, c’est qu’il s’agit presque uniquement de femmes ! Clément Baloup a voulu en avoir le coeur net : il s’est rendu sur place pour aller à la rencontre des intéressées et pour les interroger. Très vite, il a compris que ces femmes avaient été "achetées" par des hommes souhaitant se marier.
 

Par sylvestre, le 5 mars 2017

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Notre avis sur MEMOIRES DE VIET KIEU #3 – Les mariées de Taïwan

 
Ça se passe à l’autre bout du monde, ça vient donc à peine perturber nos consciences. Pourtant, c’est à grande échelle qu’un véritable business de chair humaine existe entre le Vietnam et Taïwan : on parle de plusieurs centaines de milliers de femmes qui ont quitté leur terre natale et qui se sont mariées au bout de quelques jours seulement avec des inconnus pour les suivre chez eux où la vie leur était annoncée plus rose…

L’auteur Clément Baloup a rencontré plusieurs Vietnamiennes ayant fait ce voyage. Si quelques-unes ne s’en sont pas trop mal sorties, beaucoup d’autres ont été trompées ou déçues : les maris riches n’étaient pas si riches que ça, les maris attentionnés ne se sont pas forcément montrés si bienveillants que ça… Quant à leur beauté, n’en parlons pas ! Il y a l’attrait de la vie facile, il y a aussi la pression de la famille qui pousse les filles à aller se marier pour assurer leur avenir et pour pouvoir envoyer de l’argent au pays… Après quoi intervient la honte, car une fille qui voudrait s’enfuir des griffes de son acheteur/mari pour rentrer à la maison serait considérée comme une moins-que-rien…

Beaucoup se résignent et finissent par s’habituer : Taïwan est malgré tout un pays plus riche que le Vietnam ! Beaucoup en ont bavé car, en plus du mari, c’est la bele famille qu’il leur a fallu supporter. Dans ces régions où les relations sont très codifiées et où l’homme a encore beaucoup d’influence et de pouvoir sur sa femme, être seule contre tous est une expérience terrible, d’autant plus qu’il s’agit de mariages et donc de "contrats à durée indéterminée" !

Mais les mentalités évoluent. Certaines femmes délaissées ou maltraitées ont pu obtenir le divorce, même si ça a pu se faire contre le remboursement de sommes folles ! Et de fil en aiguille, des associations de femmes divorcées se mettent à voir le jour et à créer de l’entraide, à apporter du conseil… Un véritable phénomène de société, tout ça ; dont on n’a pas vent, nous, sous nos latitudes européennes !

Dans cette bande dessinée de Clément Baloup, on suit Linh, une femme qui passe par beaucoup de ces étapes de la vie d’une mariée déracinée. Le récit est traité de manière réaliste mais quelques "animaleries" y ont été intégrées : le mari qui a choisi Linh est ainsi représenté avec la tête d’un crapaud (il s’appelle d’ailleurs Toad, dans l’histoire !) Mais il y a d’autres exemples, comme ce traducteur qui est de mèche avec les organisateurs du trafic et qui ment à Linh lors du rendez-vous qu’elle a avec son futur mari en lui traduisant ce qu’il veut comme il veut. Ce sont souvent les hommes qui héritent de ces masques peu ragoûtants (les hommes sont des salauds, surtout lorsqu’il y a en jeu de pauvres femmes démunies) mais quelques femmes ont gagné d’horribles apparences elles aussi, comme la rabatteuse, ou l’acariâtre belle mère…

Au milieu des planches de la BD en couleur, des pages viennent régulièrement s’intercaler : en noir et blanc, elles présentent de véritables filles que Clément Baloup a rencontrées et interviewées ; des filles qui racontent en quelques mots leur propre expérience sur le sujet…

Cette bande dessinée nous parle d’une misère lointaine mais bien réelle, elle est d’un grand intérêt. Elle intéressera tous ceux qui se passionnent pour la culture extrême-orientale en gardant à l’esprit l’humain reste l’important.
 

Par Sylvestre, le 5 mars 2017

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