Maruta 454

Lorsque dans les années 30, la Mandchourie était sous occupation japonaise, certaines rafles visaient à alimenter en cobayes de sordides camps d’expérimentation. Le développement d’armes bactériologiques était en effet une ambition de la machine de guerre de l’empire du soleil levant, et les Chinois des victimes toutes trouvées pour tester leurs inventions ainsi que d’autres tortures en tous genres…

Aucun prisonnier n’aurait dû ressortir vivant de ce type de camps, afin que soient gardés secrets les drames qui s’y jouaient, mais c’était sans compter sur une douzaine d’entre eux qui réussirent à s’échapper. Ziyang Wang, cobaye n°454, était de ceux-là ; cette bande dessinée a été réalisée sur la base de son témoignage et de celui d’une personne qui l’a aidé après qu’il a fui le camp où il était promis à la mort…
 

Par sylvestre, le 4 octobre 2010

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Notre avis sur Maruta 454

 
C’est vrai, la déferlante des BD asiatiques qui inondent le marché francophone depuis plusieurs années en fait râler plus d’un, mais il faut reconnaître aux éditeurs qui nous proposent du manga, du manhua ou du manhwa qu’ils jouent un rôle culturel très important lorsqu’ils nous donnent accès à certaines œuvres, et notamment à des œuvres relatant des faits historiques que nos livres d’écoliers n’évoquent pas ou auxquels les Européens ne sont pas autant sensibles qu’à d’autres qui les toucheraient plus personnellement…

Oui, je parle entre autres des bandes dessinées mettant en scène des samouraïs ou des œuvres nous présentant des contes et légendes de ces pays du bout du monde, mais cela reste encore plutôt à nos yeux dans le registre du traditionnel et du folklorique. Par contre, lorsque les thèmes sont plus proches de nous dans le temps, l’appréhension est différente et l’intérêt décuplé. On a ainsi par exemple aimé lire le témoignage de l’auteur contemporain du Visiteur du Sud (aux éditions Flblb) qui témoignait sur son expérience d’expatriation en Corée du Nord. On est resté sans voix aussi lorsqu’on a lu Femmes de réconfort (aux éditions 6 pieds sous terre) et lorsqu’on s’est rendu compte de quelles horreurs certains hommes avaient été capables…

C’est donc encore le cas avec cette bande dessinée, Maruta 454, qui porte à notre connaissance un secret historique japonais dont bien peu d’entre nous avaient dû entendre parler : l’existence de camps d’expérimentations sur cobayes humains. C’est aux éditions Xiao Pan, fer de lance de la publication de manhua en France, et c’est à noter puisque c’est le premier ouvrage de ce genre qui intègre leur catalogue ; puissent-ils continuer à nous apprendre des choses. La différence avec les autres titres cités en exemple est par contre que pour cet ouvrage, le scénariste est un Français, mais les témoignages recueillis émanent bien entendu de personnes concernées, chinoises, et la traduction en images est faite par l’atelier Song Yang, également chinois.

Dès les premières pages, le stress et le suspense sont à leur apogée. D’entrée, on est en effet aux côtés d’un fugitif dont on aperçoit sans peine le numéro dans le dos (454) et la peur qu’il soit rattrapé nous assaille donc. Puis rapidement, c’est en flashback que reprend le récit, repartant de l’arrestation de celui dont on va découvrir l’aventure, de celui que les Japonais avaient réduit à un numéro dans leur morbide comptabilité : Ziyang Wang, l’un de ceux grâce à qui le monde entier a su…

Très sombre, très oppressant, très "à vif", le graphisme est spécial, avec des personnages dessinés plus précisément que les décors dans lesquels ils évoluent qui sont eux beaucoup plus impressionnistes, saturés de noir ou comparables parfois à des éclaboussures d’encre sur le papier, donnant d’une certaine manière l’aspect d’estampes aux planches. Les couleurs sont pour quelque chose dans la bizarrerie du tout, aussi : très électriques, peu réalistes, elles tentent semble-t-il de traduire la perte de repères dont ont été victimes les prisonniers cobayes chinois à cause de la faim ou du froid, à cause des mauvais traitements, à cause de leurs problèmes psychologiques ou encore à cause des effets secondaires des tests qu’ils subissaient…

Très peu de dialogues, ou d’un seul coup de longues conversations, c’est selon. Et des bulles qui renvoient à un lexique en fin d’ouvrage lorsque des mots chinois ou japonais, retranscrits en caractères latins, viennent donner un peu d’exotisme (si l’on peut dire…) aux séquences dessinées… Maruta 454 se lit très vite, car même si le nombre de pages est important, les vignettes sont grandes. Cette vitesse de lecture participe pourtant à l’effet "claque" que l’on prend, et c’est alors avec enthousiasme et curiosité qu’on découvre dans la dernière partie du livre quatre pages de rappels historiques relatifs au sujet de la bande dessinée. Rédigées par le scénariste et historien Paul-Yanic Laquerre, elles proposent un condensé de ce qu’il faut retenir sur ces noirs détails des appétits militaires japonais à l’aube de la seconde guerre mondiale où ils s’allieront, on le sait, avec les Nazis…
 

Par Sylvestre, le 4 octobre 2010

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