Les pestiférés

En 1720, sous la régence du Prince Philippe d’Orléans, Marseille est une cité pleinement prospère grâce principalement au commerce avec l’Orient. Le petit quartier situé en haut d’une colline à quelques huit mètres du Vieux-Port n’échappe pas à cette prospérité. Là, vivant en une sorte de communauté, les habitants coulent des jours heureux. Or, au début du mois de juin, Maitre Pancrace, médecin de son état, revient de sa tournée habité par une morosité inhabituelle. Questionné par la population, il avoue avoir participé avec ses pairs à des examens sur trois cadavres d’individus venant de l’Est et avoir découvert que ces derniers étaient vraisemblablement porteurs de la peste. Cette découverte est bientôt confirmée et apporte comme il se doit une très grande inquiétude parmi la communauté. Si l’épidémie semble être au départ contenue, elle finit malheureusement par s’étendre et entrainer son lot de morts quotidiens. Maitre Pancrace, pensant à l’avenir des gens du hameau, décide alors de prendre en main leur destinée et organise, avec leur aide, la défense contre la terrible épidémie.

Par phibes, le 12 juin 2020

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Notre avis sur Les pestiférés

La mise en lumière dans sa forme illustrée de l’œuvre du célèbre auteur provençal Marcel Pagnol se poursuit chez Grand Angle avec la parution des Pestiférés, un roman que l’artiste n’a pas eu l’occasion de finaliser de son vivant. Profitant de cette initiative éditoriale, Serge Scotto et Eric Stoffel se sont associés à Samuel Wambre afin d’adapter cette histoire (dont une partie fut intégrée dans Le Temps des amours, quatrième volet du cycle des Souvenirs d’enfance) et surtout de lui donner une fin telle que l’auteur originel l’aurait confiée à ses proches.

Exit les circonvolutions contemporaines du petit Marcel ou de ses parents, du maître d’école et autre, cet album est l’occasion de nous faire un bond dans le temps, dans le Vieux Marseille sous la régence du successeur au roi Louis le Quatorzième. Après un cadrage historique de rigueur, le récit vient se concentrer sur un des quartiers de la cité phocéenne (certes fictif) ayant la particularité d’être planté sur un promontoire en surplomb de la ville. En ces lieux bien agréables au demeurant, vit une communauté qui profite de son isolement autour d’un notable médecin, Maître Pancrace. Or, sa quiétude ordinaire va bientôt basculer dans l’horreur.

Même si le départ de cette histoire s’éloigne quelque peu de ce que Marcel Pagnol a l’habitude de produire, il n’en demeure pas moins que cette dernière est pour le moins entreprenante. Inspirée par des faits avérés (ceux liés à la terrible épidémie de peste qui ravagea Marseille en 1720), elle permet de suivre toute une série de personnages qui tentent de s’organiser pour éviter d’être touchés par la pandémie mortelle. Compte tenu de l’inquiétude grandissante mise en exergue, on se laissera surprendre par l’intensité du récit qui a le privilège d’augmenter la force attractive de cette épopée historique. Tout comme la pluralité des caractères mis en avant qui donne de fait à l’omniprésent Maître Pancrace l’occasion d’assurer le rôle pivot de l’histoire.

Il va de soi que même si le drame a toute sa place, on pourra être subjugué encore une fois par le travail impeccable produit sur la narration et les dialogues. La touche de Marcel Pagnol est peut-être moins chantante mais reste des plus prégnantes surtout dans les tirades que Maître Pancrace et autres nous abreuvent généreusement, parfois avec un zeste d’humour. Il va de soi que l’ensemble se lit sans aucune anicroche et que le final imaginé (à grande sensation et amertume) se veut complètement cohérent.

Graphiquement, Samuel Wambre illustre avec une grande générosité les péripéties douloureuses de la petite communauté marseillaise. Son trait se veut assurément libéré, emporté certainement par le fameux mistral qui lui donne des ailes. Là aussi, le travail historique est indéniable, restitué çà et là par des vues de Marseille du 18ème impressionnantes sous l’emprise de l’épidémie, par des tenues vestimentaires d’époque, des intérieurs de demeures bourgeoises… Côté personnages, l’artiste ne manque pas de jouer dans la diversité, prouvant ainsi son grand talent.

Un récit noir comme la peste façon Marcel Pagnol qui est à découvrir urgemment !

Par Phibes, le 12 juin 2020

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