Lunes birmanes

 
Depuis de nombreuses années, le régime birman est une dictature paranoïaque persécutant méticuleusement jusqu’à ses citoyens les plus pauvres sous prétexte qu’ils sont forcément de mèche avec des révolutionnaires anti-gouvernementaux qui seraient venus trouver refuge dans leurs campagnes. Ainsi, lors de leurs expéditions punitives, les soldats tuent sans vergogne quiconque se dresse contre eux et brutalisent, assassinent ou violent par pur plaisir…

Thazama, Moonpi et Kim sont trois enfants parmi d’autres dans leur village qui va lui aussi être la cible régulière de la méchanceté gratuite de ces soldats. A chaque fois victimes d’humiliations et de blessures, voire témoins du pire, ils vont grandir dans la peur mais courageusement choisir d’oeuvrer clandestinement dans l’espoir de l’avènement de la démocratie.

Leur parcours sera un enfer dans leur pays qu’ils aiment pourtant énormément. Ils se rendront compte lors de leurs fuites vers un statut, dans les pays voisins, de réfugiés politiques, que l’enfer ne s’arrête malheureusement pas aux frontières de la Birmanie…
 

Par sylvestre, le 16 juillet 2012

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Notre avis sur Lunes birmanes

 
C’est un long et très poignant récit que nous livrent là Sophie Ansel (scénario) et Sam Garcia (dessin)… La terrible chronique de la vie de nombreux paysans Birmans qui semblent n’avoir d’autre choix que mourir pauvres et humiliés ou réduits à l’esclavage dans des ailleurs qu’ils croyaient meilleurs.

Lunes birmanes nous raconte tout cela : le régime politique birman, la terreur de villageois de voir débarquer les soldats chez eux, le traumatisme de voir les siens violés et assassinés, le courage qu’il faut pour s’arracher à sa terre et à sa famille dans l’espoir de se soustraire aux rafles et d’essayer de survivre ailleurs; enfin la désillusion de comprendre que même où l’on pense être sorti d’affaire, d’autres mafia sont là pour profiter de vous en tant qu’unité lucrative et non en qualité d’humain. Tous ces tableaux qui nous sont montrés ont pour héros trois jeunes gens inspirés par d’autres ayant réellement traversé de tels tourments, là-bas… Et c’est sur la base de leurs témoignages que Sophie Ansel a pu construire cette histoire, au fil d’années qu’elle a passées au contact de gens concernés.

Ces destins sont tragiques et bouleversants. On en est retourné, lors de la lecture, les malheurs arrivant en cascade. Mais quelque part, habitués qu’on est de voir ici ou là l’horreur (seconde guerre mondiale, crimes sous Pol Pot, exactions pendant le conflit en ex-Yougoslavie, épurations ethniques en Afrique…), on accepte ces informations sur la Birmanie de la même manière qu’on a entendu, accepté et digéré des informations sur d’autres autres cas, tels ceux ci-dessus listés. Et tout ça en se disant que oui, qu’on savait bien que ça allait mal, là-bas, mais qu’est-ce que vous vouliez qu’on y fasse ?!

Or justement, il y a autre chose de très important que nous révèle cet ouvrage. C’est que même Sophie Ansel, qui a longtemps vécu en Asie du Sud-Est, ne se rendait pas compte de ces malheurs qui s’abattaient sur des populations entières. Et pourtant, elle était aux premières loges ! Mais tout était maintenu hors de sa vue, hors de sa portée, jusqu’à ce qu’elle ait eu la puce à l’oreille et qu’elle aille mettre les pieds dans le plat : demander à des gens concernés de lui raconter leur histoire. Ces silences sur la tragique situation deviennent plus parlants pour le lecteur dans cette caricature qui est faite, dans la bande dessinée, de touristes visitant la Birmanie, la Thaïlande ou la Malaisie s’émerveillant des beautés architecturales et de la gentillesse de ces gens qu’ils croisent. Car ces touristes personnifient bien le décalage qu’il y a entre ce qu’ils vivent eux en qualité de vacanciers, et ce que les populations locales vivent réellement tous les jours. Et la réflexion de s’étendre sur le pourquoi du bas coût des produits ou des denrées là-bas ; bonnes aubaines pour le touriste qui sans s’en rendre compte, amène de l’eau au moulin de trafiquants en tous genres, y compris de marchands d’hommes…

Lunes birmanes n’est pas qu’une BD de près de 200 planches réalisées avec talent par un artiste traduisant par des dessins expressifs ce qu’une auteure a souhaité nous révéler. C’est en plus un document édifiant, basé sur un dangereux travail d’investigation, à faire connaître au plus grand nombre, au même titre que d’autres pans de l’Histoire, ailleurs dans le temps et dans le monde, ne doivent pas être oubliés.

Lunes birmanes est une lecture terrifiante et glaçante pondérant les actuels soulagements de voir Aung San Suu Kyi revenir sur la scène politique de son pays (ceci étant évidemment la meilleure des choses pour la démocratie en Birmanie depuis des décennies !). C’est, après notamment Birmanie, la peur est une habitude des éditions Carabas en 2008, un nouveau pamphlet contre la junte militaire birmane à lire de toute urgence dans la collection Mirages des éditions Delcourt.
 

Par Sylvestre, le 16 juillet 2012

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