Le loup des mers

Embarqué sur un ferryboat qui assure la liaison entre San Francisco et Sausalito, Humphrey Van Weyden, journaliste, critique littéraire, n’aurait jamais pu penser que cette routinière traversée de la baie de San Francisco bouleverserai le tréfonds de son âme. Abordé en pleine brume, le ferry coule en quelques instants. Humphrey se retrouve à la mer, glacé, perdu. Quelques heures plus tard, il se réveille à bord du fantôme, une goélette armée pour la chasse aux phoques. Son capitaine, Loup Larsen, une brute géante, mène violement, par le verbe et le physique, son équipage.
Malgré l’insistance du naufragé, il refuse de détourner son navire pour le débarquer et Humphrey se retrouve enrôlé contre son gré. Entre les deux hommes va se développer une relation entremêlée de dégout et de fascination qui les portera au bout d’eux-mêmes.

Par olivier, le 9 octobre 2012

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2 avis sur Le loup des mers

Après nous avoir engagés A bord de l’étoile Matutine et de son monde glauque des pirates, Riff nous embarque sur une goélette phoquière au début du siècle dernier. Adapté du roman de Jack London écrit en 1904, il met en scène deux personnages que tout oppose. Loup Larsen, le capitaine, un homme brutal, tyrannique, qui ne croit ni en Dieu ni en l’homme. Il ne connaît aucun état d’âme, menant son équipage d’une main de fer et pourtant il se révèle cultivé, amateur de littérature et de philosophie et puis il y a Humphrey qui lui oppose la morale, la dignité, l’altruisme et la survivance de l’âme.
Dans cet enfermement physique et psychologique, la confrontation des deux hommes prend des accents shakespeariens, enfermés dans un espace aussi clos les tensions sont exacerbées, les sentiments poussés au paroxysme dans un environnement où les flots déchainés font écho aux rudes controverses.

Le passage du roman au scénario concentre les passions, l’écriture de Riff est précise, tendue comme une corde de violon qui au contact de l’archer fait naitre des frissons sur la peau. Le récit est puissant, sans concession. La violence est omni présente et le conflit intellectuel et idéologique entre les deux hommes s’épanoui dans des dialogues ciselés avec une précision d’orfèvre sur le pont de ce navire où les matelots jouent leurs vies.
La bichromie s’invite avec tellement de justesse et d’à propos qu’il est impossible d’imaginer cet album autrement. Les rouges, les bleus, soutiennent le dessin avec une telle force et une telle émotion que toute autre technique n’aurait pu qu’affadir l’ensemble, et quel ensemble : le dessin de Riff est tout simplement magnifique !
Ses portraits sont saisissants de réalisme et l’action de ce qui est avant tout un récit d’aventure se déroule et explose en déferlantes comme les vagues sur le pont du navire. Le trait est âpre et nerveux, avec un encrage où le noir est tellement profond que le blanc en devient éblouissant.
Au fil des pages, Riff insuffle la vie à ces personnages de papier, ces marins qui travaillent dans des conditions extrêmes, ballotés entre leur féroce capitaine et les terribles mers australes qui engloutissent les navires et les hommes.

La collection Noctambule confirme avec cet album la très haute qualité de son catalogue.

Par Olivier, le 9 octobre 2012

Je reviens d’un voyage.
Ces pages qui vibrent encore près de ma main m’ont transporté sur ces flots, à la suite de ces hommes qui affrontent les éléments, vivent dans cet univers à la fois oppressant et dur, mais perdu dans l’immensité qui les entoure…

Habituellement je ne suis pas forcément très client de ces histoires de marins à la vie dure, de ces récits initiatiques ou le jeune citadin devient matelot et apprend à devenir un homme, un vrai. Cependant, ici, très vite on est gagné par le rapport de force qui dirige tout l’album, cette confrontation entre ce capitaine brutal, sans moral, et ce jeune écrivaillon pétrit de culture qui semble à la fois fasciné par cette forte personnalité et dégouté devant toute cette violence cruelle.

Mais même si ici on est dans une adaptation libre (je ne connais pas le livre original) Riff Reb’s s’est, évidemment, complètement réapproprié tout ça. Son écriture est d’une réelle force, toute en subtilité, un mélange entre voix off et dialogues directs, avec un chapitrage très astucieux qui équilibre la lecture, lui donnant une respiration incroyable. C’est simple, on est pris aux tripes dès le début et ce jusqu’à la fin.

Mais si j’en suis venu, au premier abord, à lire cet album, c’est surtout par amour pour les dessins de cet artiste hors du commun. J’étais resté sur "A bord de l’étoile Matutine", avec ses planches d’une beauté envoutante et j’avoue que j’attendais ce nouveau projet avec beaucoup d’impatience.
Et quelle claque !
Pratiquement chaque planche est sublime, et plus particulièrement les vues de l’océan qui se déchaîne, sans oublier ces cases ou Riff Reb’s fait glisser la lumière par petites touches de couleurs claires sur des corps, des vêtements ou des détails du pont… Je me suis vu plusieurs fois m’arrêter sur des cases, perdu dans un magnifique jeu de volume !

Alors oui, ce fut un voyage éprouvant, sans ménagement, mais ce fut surtout un incroyable moment de lecture comme il y en a peu, privilégié. Le formidable cadeau d’un artiste discret et généreux !
J’y retourne de ce pas !

Par FredGri, le 14 novembre 2012

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