La ligne droite

Hadrien est un garçon solitaire et introverti, sa mère qui l’élève est une fervente catholique et Hadrien se sent emprisonné, à l’étroit, dans ce cadre castrateur. D’autant qu’il habite un petit village de Bretagne sans intérêt et qu’au collège religieux qu’il fréquente pas mal d’élèves se moquent de lui. C’est à l’occasion d’un match de rugby ou il est malencontreusement blessé au nez par Jérémie, un camarade de classe que les deux jeunes garçons décident de mieux se connaître, de dépasser leurs à priori et de peut-être se découvrir plus d’affinités…

Par fredgri, le 17 septembre 2013

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Notre avis sur La ligne droite

Cet album, sous sa magnifique couverture, se présente au format à l’italienne.
On y voit deux jeunes garçons, assis sur une branche d’arbre, ils se tournent le dos. On devine de la douleur dans le regard du premier. Il s’appelle Hadrien, on ne le sait pas encore, mais sous sa chemise se cache une petite croix. Le titre semble alors amener l’idée d’une ligne à suivre, une vie toute tracée pour Hadrien, que ce dos derrière lui compromet. Il y a un regret derrière ces yeux, un doute… "La ligne droite" nous propose alors d’explorer le quotidien de ce garçon…

Nous le retrouvons donc au levé, le matin, il fait sa toilette, rectifie sa mèche de cheveux, met son gilet sans manche, grimace en se regardant et va retrouver sa maman tout aussi austère que lui. Petit bisous, petite remarque habituelle sur la nécessité d’avoir une bonne tenue. Le cadre est installé, on sent poindre une petite douleur, une petite résistance muette…
Hubert construit alors son scénario de façon presque clinique, en dosant les stéréotypes, celui de la famille catho rigide, celui des camarades de classe moqueurs, celui du garçon intello solitaire, mais surtout en n’entrant pas frontalement dans le sujet. Tout est très subtilement amené, même si Hubert a aussi tendance à être trop didactique dans sa démonstration, à rester dans des schémas assez convenus. Mais je pense que le sujet et le cadre moraliste de l’éducation d’Hadrien amène forcément ce traitement par l’évidence… Il aurait peut-être été intéressant de ne pas autant marginaliser le jeune garçon, mais du coup le propos aurait perdu de son pessimisme…

Toujours est-il qu’on se laisse mener par la main dans cet album parfaitement construit, avec une narration très lente, presque en suspension, qui a peut-être tendance à neutraliser certaines tensions, mais qui demeure vibrante d’émotion silencieuses.
Le graphisme de Marie Caillou peut donner l’impression d’être très froid, mais ça n’est qu’une illusion, car il est tout entier au service d’une atmosphère très intimiste, d’un propos en perpétuelle retenue. C’est très beau, d’autant que la mise en couleur qui alterne les ambiances rouges, jaunes et bleues transcende complètement le moindre mouvement d’Hadrien, son regard et cette impression de parfois naviguer sur une mer d’huile qui frémit sous nos pieds.
C’est sec, presque sans expressions… Il y a une tension sourde et incroyablement vibrante dans ces planches !

Hadrien est donc un ado qui souffre d’être rejeté, sans pour autant avoir envie de trop s’intégrer. Il sent bien que sa différence ne sera pas bien perçue et c’est dans cette carapace qu’il se réfugie, il se cache intérieurement mais aussi physiquement, sous cette image strict de bon garçon propre sur lui, la cheveux lisses et l’haleine fraîche il y a un être qui saigne ! Toutefois, il faudra attendre la blessure au nez pour voir surgir doucement cette étincelle de rébellion, cette envie de laisser parler son cœur.

Alors oui le scénario parle de la différence, de cette homosexualité refoulée, mais j’aurais tendance à me dire qu’il ne s’agit la que d’un vague prétexte, d’un déclencheur, car ce qui m’a avant tout touché c’est cette expérience de rejet, d’incompréhension, le sentiment pour Hadrien d’être jugé par ses camarades, par une institution, par sa propre mère… Alors qu’il se propose plusieurs pistes salvatrices comme sa tante très compréhensive, "hors norme" il décide de fuir tout ça…
Et dans cette fin "ouverte" les auteurs semblent vouloir atténuer le côté assez moralisateur du récit pour l’ouvrir vers une touche plus poétique.

Un album d’une extrême finesse que je vous conseille de découvrir sans plus attendre !

Par FredGri, le 17 septembre 2013

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