Les ruines de Tagab

 
Ce n’était pas la première mission de Damien en Afghanistan, mais cette fois, à son retour, les siens ne l’ont pas reconnu. Il n’était plus le même : il était devenu très distant, mutique, perdu dans ses pensées… Au point que son fils en a conçu une très grande tristesse, voire de la peur, et que sa femme, après avoir longtemps été très compréhensive, a fini par ne plus pouvoir supporter la situation.

Seul François, le prêtre du village, a réussi à entrer en communication avec Damien. Puis à confier à l’ex-soldat différents petits travaux à faire pour qu’il puisse échapper à ses cauchemars et pour qu’enfin il puisse surmonter ce traumatisme qu’il avait vécu à Tagab…
 

Par sylvestre, le 25 décembre 2017

Notre avis sur Les ruines de Tagab

 
C’est souvent avec un certain idéal que les soldats partent à la guerre. Damien, lui, voulait combattre des ennemis que la France s’était identifié à l’autre bout du monde. Il était d’ailleurs déjà parti à plusieurs reprises et en était revenu à chaque fois un peu plus fort, un peu plus confiant. Mais la réalité du terrain met vite à mal le "romantisme" de la mission lorsque les choses se mettent à ne plus tourner rond.

L’armée, c’est une histoire de camaraderie, de corps, d’entraide. Ce sont des liens qui se tissent entre les soldats, des liens qui deviennent plus forts à mesure que les mauvais moments qui se présentent se retrouvent enfin derrière. Mais l’armée c’est aussi plein d’histoires d’égo où la bêtise l’emporte parfois sur la raison. Et des situations où, loin de repères rassurants, on peut se laisse dépasser.

Le binôme de Damien était croyant, il n’était pas venu pour tuer. Dans leur unité qui avait pour mission le maintien de la paix et l’enseignement auprès d’homologues locaux, croire au "vivre ensemble" était possible. Mais sa vision des choses en faisait aux yeux des autres le "bleu" facile à chahuter, le "cureton" facile à bizuter. Au point que le jour où les choses ont dérapé, il fut le coupable tout trouvé ; et le pauvre gars que Damien n’a pas pu protéger…

Cette bande dessinée Les ruines de Tagab raconte le difficile retour de Damien chez lui en France. Le récit est entrecoupé de flashbacks qui nous éclairent sur l’attitude qu’il impose à ceux vers qui il est revenu ; ou plutôt à qui il a été rendu. Il alterne ainsi entre des scènes de soldatesque avec tout ce que ça peut comporter de stressant et des scènes d’une vie quotidienne qui aurait dû être paisible si les remords et une certaine culpabilité n’étaient pas devenus un bagage si lourd à porter pour Damien.

Le dessin de Nina Jacqmin, "couleur sable", ne fait pourtant pas de différences entre les deux décors, la France et l’Afghanistan. Sans doute parce que les deux font partie de Damien, parce que c’est son histoire. Cette histoire, Cyril Legrais nous la raconte avec un ton très juste, très crédible, et très réaliste même s’il use parfois de séquences métaphoriques comme ces scènes imaginaires dans lesquelles le personnage principal se sent comme agrippé puis tiré par d’angoissantes mains surgies des sables du désert.

Damien est énervant pour le lecteur car il est revenu dans son pays en paix, dans sa famille aimante, mais qu’il reste bloqué sur son traumatisme et qu’à cause de ça, il fout en l’air tout son bonheur. Mais le juger serait injuste car c’est justement le propre du traumatisme, du choc émotionnel ou du profond regret personnel de ne pas pouvoir être partagé facilement et donc de ne pas pouvoir être compris par les autres. Dans Les ruines de Tagab, ces mécanismes sont bien présentés : on les vit dans une fiction fluide à hauteur du héros et à hauteur de ses proches tout en les voyant "de plus haut" car on a une vision globale et parce qu’on a pu, nous, être témoin de tout ce qui s’est passé "là-bas".

Le dessin de couverture est très représentatif de l’oeuvre : on y voit le regard perdu de Damien dont l’esprit est resté en Afghanistan, on y voit aussi sa femme et son fils, si proches mais également si loin. Ce dessin est aussi très intrigant, il donne vraiment envie de découvrir le secret de l’ex-soldat. Enfin, il réussit à donner cette notion du temps très long qu’il faut pour que les traumatismes comme celui qui hante Damien commencent à s’effacer. Les ruines de Tagab est ainsi un drame plein d’humanité, un beaume sur une plaie trop profonde, une excellente BD à découvrir aux éditions Les enfants rouges.
 
 

Par Sylvestre, le 25 décembre 2017

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