Les Intrus

(Optic Nerves 12 à 14 et Kramers Ergot 7)
6 histoires ou Adrian Tomine nous brosse le portrait d’américains englués dans leur quotidien.
"Une brève histoire de la forme artistique nommée l’Hortisculpture", sous forme de strips nous suivons les efforts d’un homme qui veut imposer la nouvelle forme artistique qu’il vient d’inventer, à base de sculpture et de montage de plantes…
"Amber Sweet", ou les démêlés d’une jeune femme, sosie d’une actrice porno.
"Allez les Owls", la rencontre d’un dealer quadragénaire et d’une jeune femme un peu paumée !
"Traduit du japonais", le voyage d’une femme et de son enfant jusqu’à l’aéroport ou ils retrouvent le père.
"Tuer ou mourir", les tentatives d’une ado pour se lancer dans le stand-up, malgré l’incompréhension de son père.
"Les intrus", un homme remet la main sur un vieux trousseau de clés, il décide d’aller faire un tour dans son vieil appartement… !

Par fredgri, le 2 mars 2016

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Notre avis sur Les Intrus

Les histoires d’Adrian Tomine sont résolument ancrées dans le présent et dans le quotidien de ces américains moyens, sans histoires, qui tentent de trouver une piste pour se sortir de cette morosité ambiante avec le sentiment que rien ne change vraiment, juste une série d’étapes successives.

Au travers de sa série "Optic Nerve" (chez Drawn & Quarterly) Il brosse le profil d’une Amérique traversées par des hommes et des femmes noyés dans leur quotidien, avec une nonchalance qui rythme chacun de ses récits, une lenteur fascinante.
En contre partie, ses histoires ont tendance à s’interrompre assez abruptement, comme si on coupait soudain le son, de manière soudaine et presque arbitraire, nous laissant la plupart du temps sur notre faim, comme frustrés que tout s’arrête de cette façon, sans émotion. Mais c’est ce qui fait aussi son style si particulier, si reconnaissable entre tous !

Mais ces vies qui se sclérosent progressivement sont surtout la scène de tout le reste. Tominé joue très adroitement avec les silences, les non dits, il installe, à la manière de Carver, des quotidiens qui résonnent entre ces murs, au son des voix, au détour d’un regard qui en dit long, transcendant ce quotidien banal.
L’artiste se réinvente en même temps, il joue sur les styles, il travaille sa grammaire graphique, joue sur les formes et imprègne chaque histoire d’une ambiance bien particulière, allant même jusqu’à jouer avec les codes du strip, ou encore présenter une histoire sans protagoniste, juste des voix off qui viennent scander des vues de maisons, d’objets croisés par la narratrice !

Dans ce nouveau recueil Tomine travaille très précisément ses couleurs, installant des atmosphères douces, voir même presque nostalgiques. Il impose des gaufriers très rigoureux, ce qui lui permet de se concentrer principalement sur les personnages, sur les dialogues qui sont ici très importants !

Adrian Tomine s’applique donc à dépeindre ces chroniques sociales somme toute banales qui pourtant semblent vibrer d’une continuelle envie d’autre chose, même si elles se résignent à se suffire de ce qui se tient devant elles !

Cet album peut apparaître assez déstabilisant, toutefois il me réconcilie avec cet auteur qui me semblait manquer de véritable vision auparavant et qui gagne ici un vrai regard désenchanté sur le monde qui l’entoure ! Parfait pour redécouvrir ce grand artiste !

Par FredGri, le 2 mars 2016

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