Le voleur de livres

Dans ce Paris des années cinquante, Daniel Brodin aime les livres, il se glisse dans les librairies pour les voler. Il fait ses études, vit chez son oncle et sa tante communistes et se rêve poète.
Un soir, en suivant une fille qu’il veut impressionner il se retrouve au café Serbier ou il finit par déclamer déclamer un poème soi-disant de sa composition, alors qu’il s’agit d’un poème italien. Tous l’acclament… A grand renfort de quiproquo et d’opportunisme il se fait accepter par l’intelligentsia parisienne, de même qu’en parallèle il rencontre une troupe d’artistes nihilistes avec qui il s’accoquine. Il fréquente ainsi Gilles, Jean-Michel et découvre Colette dont il tombe amoureux… Mais évidemment tout ça n’a qu’un temps…

Par fredgri, le 24 février 2015

Publicité

Toute la BD, que de la BD !

Notre avis sur Le voleur de livres

Ce "Voleur de livres" n’est peut-être qu’un imposteur qui tente, au fur et à mesure, de s’adapter, mais qui témoigne, un peu à la façon de l’Ulrich de l’Homme sans qualité de Musil, des travers de cette société ou il évolue. Car qu’il s’agisse des milieux intellectuels parisiens ou il essaye de briller suite à un malentendu, de ce groupe de jeunes artistes absolutistes dont il admire la flamme idéologique, Daniel Brodin se cherche sans vraiment trouver sa voie au milieu de ce tourbillon créatif d’après guerre !

Daniel apparait ainsi comme une sorte de matière brute qui se modèle approximativement au grès des rencontres, des idées qu’il croise. Néanmoins on a du mal à s’attacher à cet étrange "héros" qui se contente, la plupart du temps, de suivre le mouvement, ne s’impliquant que par la force des choses, avec suffisamment d’intelligence pour faire illusion, un temps !
Mais au delà de ce personnage ce qui est aussi intéressant c’est cette "négation du récit traditionnel". On est certes happé par l’histoire, mais c’est surtout du au fait que le scénario propose une errance qui se construit au fur et à mesure, sans schéma particulier. Ici très peu de pathos (même la romance entre Daniel et Colette manque parfois de véritable sentiment), avec un personnage sans relief, assez pathétique en fin de compte, un héros qui n’en est jamais un, même aux grandes heures de son illusion…

Mais paradoxalement ce parcours a quelque chose de fascinant. Il nous permet de plonger dans une époque, de toucher du bout des doigts, presque sans s’impliquer, ces groupes d’intellectuels qui façonnent cette période, d’où émergent déjà des personnalités hors du commun. Bon, ça reste majoritairement du tâtonnement, Daniel restant sans cesse en retrait, ou simplement en périphérie des idées, toutefois le portrait qui se dresse devant nous est des plus intrigants ! D’autant que ce qui me parait vraiment intéressant dans ce suivisme de Daniel c’est cette façon de se réapproprier des théories sans pour autant réellement y croire, conscient que dans ce monde en pleine ébullition la pose est importante, ne se révélant véritablement qu’au moment ou accepte son statut de "fumiste" qui s’assume.

Un album qui se lit d’une traite et qui me permet de découvrir des auteurs à surveiller de très prêt !
Parce que même si le scénario est très habile, le dessin de Tota est de toute beauté.
Une sorte de réalisme doux, épuré et très expressif, qui sait rester en retrait par rapport au propos tout en amenant une touche "indé" très sympathique. J’ai beaucoup aimé ce trait efficace sans pour autant tomber dans les effets faciles. Du très très beau boulot !

Je en saurais assez vous conseiller cet album qui a au moins le mérite de sortir des sentiers battus !

Par FredGri, le 24 février 2015

Publicité