Le Silence de nos amis

1967. Houston, Texas. Jack Long, reporter télé, part filmer les manifestations afro-américaines contre la ségrégation raciale encore très présente dans les années 60. Lors de l’un de ses reportages, Jack Lang est menacé par les Black Panthers mais va être protégé par Larry Thompson, un professeur de l’Université de Houston, qui dirige le Comité de Coordination Non Violent des Etudiants (le CCNE). Une amitié va se créer entre les deux, une amitié assez instable qui va briser les barrières sociales de l’époque, sur fond de Black Power et montée du Ku Klux Klan…

Par Placido, le 30 avril 2012

2 avis sur Le Silence de nos amis

Le silence de nos amis est un récit autobiographique, celui de Mark Long, le fils de Jake. Avec l’aide de Jim Demonakos au scénario, Mark Long va s’employer, d’après ses souvenirs d’enfance, à retranscrire avec une réalité troublante l’Amérique des sixties, sont climat social et raciste, et, très particulièrement, celui qui règne au Texas. En pleine guerre contre le Vietnam et la Guerre Froide toujours bien présente en fond, la société américaine est assez instable et la fin des années 60 sera liée à de profonds changements. Les tensions raciales qui sévissent sont assez brutales, les insultes omniprésentes et les meurtres ne sont pas rares. Les manifestations noires se développent alors de plus en plus, militantes pour les droits civiques, Martin Luther King en tête.

Ce qui est fort avec le récit, c’est qu’en plus de relater des faits historiques avec précision, l’ambiance du moment est retranscrite avec beaucoup de réussite. On s’y croirait. On est immergé au beau milieu de ces américains, que ce soit du côté des blancs ou des noirs, que ce soit dans la rue, à l’université ou dans le salon familial. Et le fait de s’y croire rend tout cela passionant. On peut se dire sans crainte, en refermant le bouquin : ça s’est passé comme ça!

Alors après, ce que je pourrais critiquer, c’est l’aspect très linéaire du récit. C’est assez contradictoire en fait, mais le récit très réaliste qui raconte les événements avec précision, se contente, justement, de raconter et ne laisse pas tellement de place à l’intimisme et à l’empathie. Mais en même temps, j’avoue que je critique un peu à tort. Car l’amitié entre Jack et Larry est plutôt bien exploitée et la très belle rencontre entre les deux familles est un des points d’orgue du livre avec notamment les enfants qui se touchent mutuellement les cheveux et sont stupéfaits de leurs formes et leurs touchés. Mais je ne sais pas, j’ai ressenti comme une petite frustation, rapport à cette linéarité très classique… Peut-être que je m’attendais à quelque chose de plus singulier avec Nate Powell…

Parlons-en d’ailleurs de Nate Powell! Son dessin ne paye pas de mine à première vue mais dévoile ses qualités au fur et à mesure de la lecture. Il participe activement à la BD en effetuant un véritable travail d’orfèvre de mise en scène avec un découpage audacieux mais maîtrisé. L’introspection en plein coeur des manifestations, l’affrontements avec les CRS sur Wheeler Street… C’est très prenant! Et ça enrenchit le réalisme du propos. Mais il y a aussi les moments plus calmes qui laissent place à plus d’émotions et de sentiments, où Powell utilise les cases muettes et les grands dessins d’une page. C’est beau!

Une BD autobiographique qui nous fait découvrir certaines heures sombres de l’histoire de l’Amérique et qui se termine par l’assassinat de Matin Luther King. Un genre de devoir de mémoire mais pas que, un portrait de la société américaine et une belle histoire d’amitié aussi.

Par Placido, le 30 avril 2012

Voilà, on parle de Nat Powell entre deux chaises, une main se tend et me propose cet album que je n’avais pas vu passer… Attention, le thème, tu verras, c’est le racisme, les années 60, une amitié entre un noir et un blanc…
J’étais donc paré.

Dès le début, on entre de plein fouet dans le cadre qui se dessine. Pas de soucis, ici le racisme n’est pas juste une histoire de jeunes cons dans des entrées d’immeubles, ou un vulgaire prétexte pour exacerber je ne sais quel nombrilisme culturel et moral, non là on est dans une haine profonde qui est le fruit d’une longue histoire américaine, une histoire violente qui pose problème et qu’il est préférable de fouler du pied.

Malgré tout, les auteurs n’entrent pas réellement à fond dans le sujet, ils préfèrent miser plutôt l’antagonisme qui oppose ces populations blanches et noires et sur cette histoire d’amitié, tout en restant dans la surface, même les grands speech manquent de virulence. Mais, bizarrement, ils s’attachent moins aux personnages qu’aux liens qui les unissent, mis à part les enfants Long qui en sont même assez touchant (surtout la petite Julie qui, en tant qu’aveugle, amène les auteurs a mettre en scène la différence parfaitement intégrée, mais surtout elle insiste sur le fait que noir ou blanc ça ne change rien…), ce qui a un peu tendance à vider ces différents protagonistes. Parce que bon, ok, Larry et Jack sont amis, mais il aurait pu être intéressant de développer cette relation, montrer comment elle a pu émerger, comment s’est construit leur lien… Ici cela reste avant tout un prétexte pour mettre en scène, au milieu de cette cohue, deux hommes que tout oppose mais qui restent très liés l’un à l’autre…
Un peu trop didactique, à la finale !

Donc le fond est relativement convenu et assez linéaire, en effet, néanmoins je trouve que le graphisme de Powell arrive à rajouter de la subtilité dans les regards, les cadrages, dans la mise en scène. C’est très fin et juste !
Progressivement, on se laisse vraiment séduire par ces familles, par ces moments partagés.

Donc sans être la BD inoubliable elle reste un moment de lecture très intéressant qui nous aide à ne pas oublier que tirer des leçons de l’histoire c’est pas toujours gagné d’avance !

Par FredGri, le 14 novembre 2012

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