Le sculpteur

David Smith est un jeune sculpteur très doué qui a marqué les esprits avec ses œuvres très personnelles. Cependant il traverse actuellement une crise artistique qui le déprime, alors qu’en parallèle une galeriste lui demande de travailler sur une nouvelle collection.
Il rencontre alors un étrange personnage qui sous les traits de son grand oncle lui propose un deal, il pourra désormais sculpter tout ce qu’il souhaite, à mains nues… Mais ce pacte a un prix… Il ne lui reste désormais que 200 jours à vivre… Et tout se complique quand il rencontre la jeune Meg, c’est le coup de foudre immédiat !

Par fredgri, le 29 mars 2015

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Notre avis sur Le sculpteur

On connait Scott McCloud par le biais de ses livres "théoriques" sur la bande dessinée, par cette incroyable érudition didactique qui l’a érigé comme l’un des grands théoriciens du médium, ouvrant même la voie vers le futur avec des réflexions sur le numérique, sur l’interactivité, vers des espaces d’expressions plus libres comme les fameux 24h. On connait moins bien ses travaux "pratiques" comme Zot (qui contient tout de même de très bons passages) ou ses scénarios chez DC !

Dans cet album très volumineux de 500 pages, imprimé en un seul tome, McCloud prend son temps pour installer son personnage, David Smith, le cadre et l’ambiance qui plombe l’enthousiasme de son héros ! David est donc sculpteur, mais il continue de rêver à cette occasion qui le rendra célèbre, qui lui permettra de s’exprimer pleinement et d’être reconnu par la critique !

Et pourtant tout a très bien démarré pour lui, la reconnaissance alors qu’il était encore tout jeune, une route toute tracée pour lui, mais comme tout artiste, parfois il y a aussi des périodes de doutes, de déprimes et David a simplement du mal à retrouver cette flamme qui lui manque, d’autant qu’il vient de se disputer avec son mécène qui a finit par rompre leur association. Sa carrière s’effondre.
Déprimé et fauché, David se prépare à être viré de son appartement luxueux… Lorsque soudain la Mort lui propose un pacte étrange, pendant 200 jours, il va être doté d’incroyables pouvoirs qui lui permettent de modeler n’importe quelle matière à mains nues. David accepte le deal et au lever du soleil il découvre que la matière fond sous ses mains, qu’il peut modeler ce qu’il veut avec ce qu’il a sous sa main.
Il se lance alors dans une production effrénée, avec des sculptures très audacieuses qui mettent en scène ses angoisses, sa vie intimes, ses souvenirs. Malheureusement, la démonstration ne réussit pas à convaincre les critiques qui se présentent, impressionnés par le foisonnement de l’imagination de David, mais trouvant l’ensemble trop varié. Devant ce nouvel échec, ce dernier est plus désespéré que jamais.
Il rencontre alors la fameuse Meg qui finit par l’héberger… Petit à petit David commence à revoir ses priorités et la façon d’exprimer son art, en pensant pour une fois aux autres plutôt qu’uniquement à lui !

Son art alors se transforme, il sort la nuit pour aller sculpter des formes dans la rue, dans les murs, dans les divers objets qui se présentent devant lui, se réappropriant anonymement l’espace de la ville. Ce secret qui le pousse à aller chaque fois bien plus loin lui fait découvrir cette nécessité de rompre avec ses objectifs narcissiques et de voir chaque fois plus loin pour trouver un véritable sens à sa vie en se construisant, en influent sur son environnement de manière plus active.

Un très beau roman graphique qui pose à la fois un regard lucide sur le marché de l’art, sur ce rapport à l’argent, à la reconnaissance déshumanisée et froide.
Mais avant tout Le Sculpteur interroge les personnages et par là même le lecteur lui même sur le sens d’une vie, sur ce qu’il faut faire à un moment donné pour évoluer, pour s’impliquer. David est un créatif qui conçoit sa vie d’un point de vue presque absolutiste, il n’y a pas de concession possible, même vis à vis de lui même. Lui qui a vécu jusque là en se consacrant complètement à son Art découvre finalement qu’il lui faut réapprendre à simplement savourer le temps qui lui est proposé, avec la femme qu’il aime, quitte même à avoir un enfant…

Cette réflexion anime donc chaque page. Il faut néanmoins passer le cap des 150 premières pages qui posent le cas de l’artiste en mal d’être, qui se lamente, qui sombre. Mais très vite on se laisse entraîner dans cette histoire très touchante qui se dévore presque d’une traite.

McCloud a par contre tendance à forcer le côté "sans issue" du récit, désamorçant la moindre étincelle d’espoir qui se présente, et c’est peut-être ce qui peut freiner le lecteur qui voudrait s’immerger en s’identifiant éventuellement aux personnages. L’auteur maintient cette distance tout du long, ne permettant pas à David d’être davantage charismatique (au contraire de Meg, par exemple !)

Il n’en demeure pas moins qu’ici nous avons un album qui pousse la réflexion bien au delà de la lecture elle même. Rejoignant ainsi d’autres gros albums comme Asterios Polyp de Mazzucchelli, Cet été là de Jillian et Mariko Tamaki, Seconds de Lee O’Malley ou encore Le Nao de Brown de Dillon.
La période est donc riche en œuvres marquantes et ce Sculpteur est à coup sur un album à posséder absolument et à ranger parmi les grands !

Très conseillé !

Par FredGri, le 29 mars 2015

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