Le jour où ça bascule

Cette anthologie qui permet aux Humanoïdes Associés de fêter en fanfare leur 40 ans d’existence rassemble quelques grosses pointures de la bande dessinée, qu’il s’agisse du franco-belge, des comics ou des mangas, le fruit de l’impact international de la maison d’édition française, la seule présente directement sur les territoires américain et japonais !

Au sommaire donc… Sous une couverture d’Enki Bilal…

"Le pet de Hanako" de Taiyô Matsumoto.
"L’éveil" d’Emmanuel Lepage.
"Screwed" d’Atsushi Kaneko.
"L’ami d’Huckleberry Finn" de John Cassaday.
"Cul-de-sac" D’Eddie Campbell.
"Mission en solo" de Naoki Urasawa.
"Le non-croyant" de Bob Fingerman.
"I want to believe" de Boulet.
"La femme du prédateur" de Paul Pope.
"L’enfant" de Bastien Vives.
"Fish" de Keiichi Koike.
"Laïka" de Frederik Peeters.
"Tengu" de Katsuya Terada.

Par fredgri, le 12 décembre 2015

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Notre avis sur Le jour où ça bascule

Dès les premières annonces cet album promettait d’être exceptionnel et je dois bien avouer que le sommaire est très alléchant, avec des noms qui résonnent globalement très vite. Un sans faute.
Mais c’est pour moi aussi l’occasion de faire quelques découvertes, et plus particulièrement avec les auteurs de mangas présents dans ces pages.

Je connaissais Matsumoto grâce à son excellente série Sunny et surtout son génialissime Amer Beton, un auteur bien décalé, avec un univers graphique très personnel et intrigant. Ses planches nous font réfléchir sur le sens de l’instant, sur les parallèles simultanés qui se déroulent à travers le monde. C’est très subtil, même si le sens de cette histoire ne semble pas, au premier abord, extrêmement clair ! En tout cas, on est touché par cette singularité stylistique ! C’est très beau !

Emmanuel Lepage nous propose un récit autobiographique ou il évoque un souvenir marquant pendant une colo. Beaucoup de finesse et de justesse, le tout servi par une mise en image très touchante ! L’artiste a néanmoins opté pour une approche qu’on lui connait habituellement, sans grand risque, mais cela reste magnifique !

Atsushi Kaneko brosse une histoire à rebours qui revient de plus en plus en arrière au fur et à mesure que le personnage principal se rend compte qu’il est dans une situation sans issue. C’est très habile et remarquablement dessiné. Je vous encourage vivement à vous pencher sur cet auteur.

John Cassaday nous invite dans un récit existentialiste ou Huck se demande s’il doit ou non trahir son ami Jim… L’exercice est intéressant, mais le traitement reste sans cesse en retrait et très froid, du coup, on a du mal à se laisser emporter ou même simplement à y trouver un quelconque intérêt, c’est dommage !

Eddie Campbell s’interroge sur la vie et son nouveau voisinage en cherchant son chat qui vient de s’enfuir. Là aussi c’est anecdotique et même si ce portrait autobiographique sonne authentique, on a du mal à s’intéresser à cette douce digression ! Il faut dire que le graphisme de Campbell est très froid, un traitement infographique sans vie, ni énergie !

Naoki Urasawa reste fidèle à lui même, avec un récit rondement mené, et quelques très bonnes idées. Bon, les caractérisations sont un peu brossées à la louche, mais dans le cadre d’un récit très court c’est parfait !

Bob Fingerman nous présente un personnage non-croyant qui se retrouve confronté au diable. Pas trop de surprise dans cette histoire très verbeuse, mais pleine d’humour et de bonnes trouvailles. Toutefois, on finit progressivement par lâcher un peu prise a force de digressions. Pourtant le graphisme de Fingerman est réellement très agréable.

Boulet fait du Boulet, une sorte de continuité de ce qu’il nous propose sur son blog. C’est bourré la aussi d’humour et c’est très bien comme ça, en somme !

Paul Pope est LA raison pour laquelle je me suis récupéré cet album. L’artiste américain propose une histoire pratiquement muette assez fascinante sur laquelle plane une ambiance des plus énigmatiques. Mais quel dessin, quelle efficacité dans cette mise en scène, dans la fluidité des cases… Certainement l’une des plus intéressantes participations de l’album !!!

Bastien Vives ne cherche pas à faire dans l’originalité, il mise plutôt pour l’efficacité et une narration très fluide. Alors ça fonctionne très bien, même si on a le sentiment qu’il ne s’est pas trop foulé pour l’occasion !

Keiichi Koike est certainement la grosse découverte de cet album. Une plongée hypnotique dans une sorte de délire psychédélique fascinant. C’est très très beau, la narration est complètement éclatée, complètement axée sur les sensations, quitte par contre à en devenir un brin hermétique, mais bon, c’est tellement beau qu’on peut bien tout accepter !

Frederik Peeters ne se fatigue pas trop non plus, ses trois pages se lisent en deux secondes et laissent pantois le lecteur qui pourrait en attendre un peu plus !

Katsuya Terada conclue de son côté le volume avec des planches absolument sublimes, partant elles aussi dans une sorte de délire formaliste et mystique savoureux graphiquement. Du très très bon boulot qui donne là aussi envie d’en voir davantage !

Globalement je trouve que les asiatiques réussissent haut la main à tirer leur épingle du jeu en proposant des univers vraiment à part et une vraie personnalité. Chez les américains seul Pope semble vraiment sortir du lot, le reste se contente trop souvent de rester dans des zones de confort. Toutefois, je trouve qu’il se dégage de l’ensemble un amour de la bande dessinée qui mérite amplement de se pencher sur ce volume. On espère juste que les Humanoïdes Associés sauront revenir sur ce genre de projet avec des collectifs aussi stimulants !

40 ans qui sonnent juste !

Par FredGri, le 12 décembre 2015

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