Le goût du chlore

Parce que son kinésithérapeute le lui a fortement conseillé pour soigner sa scoliose, un jeune homme s’est décidé à fréquenter la piscine de son quartier. La motivation n’y était pas trop, au départ : nager « au milieu des vieux », c’était pas son truc !

Un jour, une fille a attiré l’attention du garçon. Elle nageait très bien. Voilà qui faisait un sujet pour entamer une conversation avec elle. Puis, de mercredi en mercredi a germé entre elle et lui une amitié de circonstance qui s’est muée pour le garçon en un rendez-vous hebdomadaire à ne pas manquer…
 

Par sylvestre, le 1 janvier 2001

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2 avis sur Le goût du chlore

Le goût du chlore est à l’image de cette piscine municipale où est allé nager le héros, car on peut être frileux à se jeter à l’eau, mais une fois dedans, on n’a plus envie d’en sortir…

Avec une très complète palette de bleus, de bleus-verts et de bleus turquoises, Bastien Vivès nous dresse également un véritable catalogue d’émotions. C’est justement cette saturation de couleurs froides qui anesthésie le lecteur et réussit à lui rappeler ces sensations qu’il peut avoir à la piscine : les températures, les odeurs, les courants d’air, l’écho, les bruits sonnant différemment qu’il ait la tête hors de l’eau ou sous la surface, les vertiges, aussi…

Avec des longueurs toutes calculées dans son récit, Vivès traduit la solitude du nageur, sans vouloir y glisser de profonde réflexion : tout à ses mouvements, le jeune homme, quand il regarde le spectacle des baies vitrées du plafond, ne réfléchit pas à une quelconque stratégie pour retrouver sa nouvelle "professeure" de natation. Mais dès qu’il atteint un bord, il scrute, il attend, il essaye de reconnaître sous son bonnet celle qui ressemble à tous les autres… Il la cherche. Tout est très sensuel, très délicat, mais sans fioriture. La fille est là pour nager, pas pour se faire draguer. Et lui en serait peut-être d’ailleurs complètement incapable, homme neuf, nu, dans cet élément qu’est l’eau et qu’il n’a pas encore bien apprivoisé.

Et au fur et à mesure que les semaines passent et que la complicité des deux se fait plus forte, on s’attend forcément à ce qu’il y ait construction de la relation. Mais Le goût du chlore est comme un après-midi à la piscine : à un moment donné, ça ferme. Et on repart dans le "monde réel" avec des questions plein la tête, le genre de questions directement en lien avec le cœur et les frissons de la peau.

Bastien Vivès nous régale de cette "période bleue" qui se lit trop vite. On se plaît dans sa piscine où les contours des corps, comme les soucis, s’effacent sous la surface de l’eau. Le goût du chlore est à expérimenter dans la collection KSTR des éditions Casterman, dans un format rigide et plus grand que les titres qu’on lui a connus jusque là.
 

Par Sylvestre, le 13 mai 2008

Avant d’être un auteur de BD – ou tout du moins le prétendre – je suis un lecteur, jamais blasé mais moins enclin aujourd’hui à m’enthousiasmer sur un album qu’à l’époque où j’étais enfant ou adolescent, périodes durant lesquelles on se prend les choses en pleine poire, comme des électrochocs dont on ne se relève jamais vraiment. C’est ce sentiment-là, cette émotion-là que je cherche à retrouver à la lecture des 300 à 400 bandes dessinées que j’ingurgite chaque année, ridicule certes face aux 4 000 nouveautés qui envahissent les rayons de nos chères librairies, mais que voulez-vous, j’ai un métier prenant auquel je sacrifie beaucoup de temps, temps qui ne m’est plus suffisamment disponible pour lire comme je le voudrais ; par contre, je parviens à faire en sorte que mon cerveau le soit, lui, disponible, comme dirait l’autre…
Ah ! retrouver ce sentiment rare ressenti jadis à la lecture de ces albums qui m’ont profondément marqués, comme Le Temple du Soleil, Le Mystère Borg, L’Empreinte du Crapaud, Kraken, Le Spectre aux Balles d’Or, Partie de Chasse, Watchmen ou Dark Knight…
Cette émotion, je la retrouve une fois tous les cinq ans, peut être tous les dix ans… Et ce sentiment fort et rare, je l’ai justement retrouvé à la lecture de l’album « Le Goût du Chlore » de Bastien Vivès, dont je n’avais lu aucun livre auparavant. C’est le buzz Internet qui m’a poussé à l’acheter et à le lire. Bien m’en a pris !
Très vite, j’ai été saisi par la qualité graphique. Le dessin est d’une justesse incroyable : justesse des attitudes, des mouvements, des expressions… Vivès transcende la réalité sans négliger pour autant le réalisme, c’est à dire que contrairement à un grand nombre de dessinateur de la Nouvelle BD (comme disent certains journalistes à court d’idées), Vivès à des bases de dessin fortes, des bases académiques. On sent aussi un dessin d’observation qui a su rester instinctif, qui saisit des moments, des instantanés, comme chez certains cinéastes, je pense à Jean-Luc Godard ou à Eric Rohmer.
Il y a une vraie inventivité également dans les codes, notamment lorsque le trait s’efface pour ne laisser que la couleur directe quand les protagonistes sont sous l’eau.
Mais une grande BD n’est rien sans un bon scénario, certains diront qu’il n’y en a pas, qu’il tient sur un timbre poste… mais c’est tout le contraire justement, les histoires simples ne sont-elles pas les meilleures et aussi les plus compliquées à écrire finalement ? Il me revient cette anecdote en tête où Alfred Hitchcock découvre avec stupéfaction l’idée du siècle qu’il avait notée durant la nuit : un homme rencontre une femme ! Eh bien c’est ça l’histoire du Goût du Chlore, l’histoire d’un jeune adulte, pas encore réellement sorti de l’adolescence, qui rencontre une jeune femme, une jeune femme déjà femme, elle.
Tout comme le dessin, les dialogues sont pris sur le vif et sont d’une extrême justesse. Brefs, mais faisant mouche. Brefs et en apparence légers, mais lourds de sens en réalité.
– « Tu t’es déjà posé la question : pour quelles choses es-tu prête à mourir et que tu ne lâcheras jamais ? »
– « Dis-moi. »
– « Je réfléchis. »
– « Dis-moi. »
– « Je pense qu’il y a des choses que je ne lâcherai pas, mais je ne serai pas prête à mourir pour ça. »
– « Comme quoi ? »
– « Je ne sais pas encore. »
J’ai lu une critique qui disait que la fin était en queue de poisson. Constatation navrante résultant d’une lecture non approfondie. Au contraire, Bastien Vivès mise sur l’intelligence du lecteur, il nous donne la chance de partager sa propre vision pudique et intelligente de notre monde et de cet insondable mystère qui sépare ou rapproche parfois les êtres.
A nous en tant que lecteur d’être à sa hauteur, à la hauteur de son œuvre, d’interpréter les quelques mots que la jeune femme glisse à l’oreille de notre héros, sous l’eau. A nous de lire sur les lèvres de la demoiselle si belle.
Je sais ce que j’ai lu sur ces lèvres, mais cela je ne le partagerai pas. Personne ne devra le partager. Chacun devra le garder pour lui. Evidemment, chaque lecteur y lira ce qu’il voudra bien y lire. Certains n’y liront rien d’ailleurs. Tant pis pour eux.
Pour ma part, mon panthéon des chefs d’œuvre de la Bande Dessinée s’est très récemment enrichi d’une nouvelle oeuvre.
Elle a pour titre « Le Goût du Chlore », elle est écrite, dessinée et mise en couleur par Bastien Vivès.

Par Christophe BEC, le 7 septembre 2008

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