Le Fils de l'Ogre

Il y a longtemps vivait dans un royaume un garçon du nom de Benoît. Il vivait à l’abri des remparts et aidait sa mère, brodeuse, à tenir commerce. S’il vaquait aux occupations des jeunes de son âge, l’adolescent n’en avait pas moins une fascination dérangeante pour le bourreau. Il ne manquait d’ailleurs jamais une exécution. Le coup de hache du tueur l’inspirait même parfois, et il tuait avec malice et quelque cruauté une souris ou un merle que le plaisir de chanter avait rendu peu méfiant.

Mais Benoît, malgré ces petits travers, restait un jeune de son âge, curieux et quelque peu inconscient. C’est sans doute cela qui le poussa à franchir la porte de la maison du bourreau un jour où ce dernier faisait son office. Il lui déroba un beau bijou, un collier de la Reine. Il faut savoir que la dame venait parfois rendre visite à l’exécuteur en cachette du Roi… Benoît ne devinait pas que cela allait bouleverser sa vie, surtout lorsque le bijou serait découvert par les soldats du Roi dans la boutique, condamnant sa mère, tout d’abord, et le condamnant lui à prendre la route. Chemin faisant il deviendrait un combattant que d’aucuns qualifieront d’insatiable dans l’art de faire la guerre.

Par legoffe, le 1 janvier 2001

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Notre avis sur Le Fils de l’Ogre

Comme souvent chez Futuropolis, le livre attire déjà en tant qu’objet. L’ouvrage est beau avec sa couverture mat et son splendide dessin en noir et blanc. A l’intérieur, les pages sont très légèrement jaunies et nous plongent déjà dans l’ambiance moyenâgeuse de l’ouvrage. Les superbes dessins de Grégory Mardon n’en sont que mieux mis en valeur. C’est beau, répète-t-on encore. Et puis cela sent le conte, la fable. L’envie d’en savoir plus est immédiate et l’on emmène le livre dans l’espoir d’y trouver une jolie formule magique, celle qui nous donnera la recette du sort « plaisir de la lecture ».

L’apothicaire Mardon connaît bien ses grimoires. Dans la marmite boue un mélange dont peu connaissent le secret. Le parfum du conte attire irrémédiablement ceux qui, comme moi, ont grandi avec des belles histoires de chevaliers et de princesses. Les souvenirs sont là, ils nous poussent à goûter la potion. Et c’est bon, quoique surprenant. On ressent une légère amertume. Le héros, Benoît, n’est pas ancré dans les canons du genre ; il est au contraire antipathique. Et le fumet du conte laisse vite place à une dégustation douce amère où les belles histoires n’auront que peu droit de cité. La fable est bien triste, mais elle est envoutante. Le lecteur dissimulera son plaisir derrière le heaume afin que nul ne voit qu’il se délecte ainsi d’un récit un brin dérangeant et à la conclusion terrible.

Le plaisir est donc dans le contraste du scénario. Il l’est aussi dans le jeu du graphisme, qui ne souffre jamais la routine. Mardon joue des classiques pour créer un univers à part. Quelle maîtrise dans la mise en scène ! Le découpage est à la hauteur des splendides dessins de l’artiste. Cela donne une vraie intensité et une plongée de premier ordre dans ce royaume aux héros déchus, d’autant que l’auteur n’est pas avare en détails. Les décors forestiers, notamment, sont magnifiques.
Mardon sait aussi reprendre le style des vieux grimoires ou des livres de contes lorsque cela est utile au récit. Il joue des genres tout en gardant la paternité indéniable de l’ensemble, même lorsqu’il joue du « Cri » du Munch alors que Benoît est en détresse.

Ce Fils de l’Ogre est vraiment une très belle œuvre qui ne laissera personne indifférent.

Par Legoffe, le 11 janvier 2009

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