Le contrepied de Foé

 
Dans leur petit village camerounais, Urbain et Ahmadou ont été repérés pour leurs talents footballistiques par un "chasseur de têtes" européen. Jean-Marc, c’est son prénom lorsqu’il ne se fait pas appeler "Boss", leur a expliqué qu’il pouvait les présenter à des clubs, leur faire faire des essais en France, la seule contrainte pour enclencher les choses et pour tester leur motivation étant qu’ils puissent participer financièrement, effort qui pourra vite être remboursé une fois leur nouvelle vie mise sur les rails. Après moult palabres, les familles des deux jeunes hommes ont réussi à rassembler les sommes, énormes. Puis Urbain, Ahmadou et leur agent sont partis en avion pour la France. Or, là-bas, ce fut vite la désillusion : "Boss" était certes connu dans le monde du foot, mais sans être la référence qu’il se targuait d’être. Leurs rêves ont commencé à s’effriter puis, très vite, les deux jeunes Camerounais ont vu leurs chemins se séparer. Celui d’Urbain se transformera rapidement en impasse…
 

Par sylvestre, le 1 septembre 2016

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Notre avis sur Le contrepied de Foé

 
C’est le problème des rêves de gosses, notamment dans le sport. Les grands sportifs et leurs carrières font rêver, mais combien d’échecs pour une franche réussite ? Combien de destins frustrés pour une star reconnue ? Dans des pays connaissant la pauvreté, faire miroiter succès et richesse à des jeunes est sans doute encore plus facile qu’ailleurs. Et le foot étant à la fois le sport le plus populaire du monde et le sport dans lequel les professionnels sont les mieux payés, ses pratiquants forment un inépuisable vivier de stars en devenir, ou de pigeons à plumer…

Très vite, le fait qu’Urbain et Ahmadou doivent participer financièrement à l’aventure semble louche. S’ils sont appelés à devenir des stars, leur agent ne peut-il pas risquer les sommes à mettre sur la table au départ ? Surtout qu’il sait pertinemment dans quelle situation financière ils sont, au fond de leur brousse ! Jean-Marc est donc tout de suite suspect à nos yeux, mais le voyage vers la France a pourtant lieu, et des contacts sont pris… Bref, tout n’est pas rose, mais les choses semblent malgré tout avancer doucement.

Par contre, quand Urbain est tout bonnement lâché, envoyé par le train vers un club où personne ne l’attend et où Jean-Marc alias "Boss" est un parfait inconnu, c’est la catastrophe. Il y a le rêve qui se brise, mais il y a aussi les problèmes de la vie au jour le jour dans la clandestinité et sans le sou, ou les recours au mensonge envers la famille qui, au pays, a mis beaucoup d’espoir et d’argent dans le projet…

Tout cela est pointé du doigt. Urbain et Ahmadou sont déracinés et embarqués dans une spirale qui les dépasse. Mais il est trop tard pour dire qu’on aurait dû s’en rendre compte avant. Rage, pleurs, regrets, honte… C’est terrible.

Pourtant, bien que les auteurs alertent sur tous ces dérapages dont les deux "aspirant pro" ont été victimes, ils soldent les comptes sur une conclusion bien moins catastrophique qu’elle aurait pu l’être. Il y est question de rebond une fois le fond touché, de compromis, de vengeance, d’acceptation… Et on est mitigé face à ce choix : autant on peut être contents pour les deux héros du récit, autant c’est trop beau pour être vrai. Le reportage dénonciateur vire à la fiction consensuelle ; à la dégringolade qui finit bien.

Galandon et Vidal, les auteurs de Lip, s’emparent une nouvelle fois d’un sujet qui ne concerne pas forcément tout le monde mais qu’ils comptent dénoncer malgré tout. Les gens aiment les belles histoires, et dans ce registre, on se rappelle par exemple du film Le ballon d’or. Mais il n’était question pour eux d’occulter la partie immergée de l’iceberg. C’est Le contrepied de Foé, aux éditions Dargaud.
 

Par Sylvestre, le 1 septembre 2016

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