Abattre Franco

L’année 1963. Francisco Granado vit en France avec sa femme et ses enfants. Il se sait atteint d’une maladie incurable et pour donner un certain sens à sa vie, il accomplit une mission pour le DI (Défense Intérieure, groupe créé en 1961, au sein du Mouvement Libertaire): il doit amener une mallette avec une bombe à Madrid pour un attentat contre Franco. La mallette est cachée dans sa voiture. Granado fait le voyage et arrive à Madrid pour la San Isidro, sous l’excuse de recueillir d’autres examens concernant sa maladie. Là, il attend de prendre contact avec un membre du DI qui doit récupérer la mallette. Mais de nombreux concours de circonstances font que les rendez-vous sont manqués. Le temps passe. Et il faut tout de même agir vite pour abattre Franco. A Paris, en juillet les têtes pensantes du DI envoient un autre homme pour retrouver Granado: Joaquin Delgado. Ce dernier est accueilli par Granado, ils discutent de l’affaire.
Mais le 29 juillet deux attentats ont lieu : l’un contre la Direction Général de la Sécurité qui fera 31 blessés dont trois graves et l’autre au siège des syndicats Phalangistes où il n’y aura pas de victimes. Delgado et Granado, qui n’ont rien àvoir avec ces attentats, comprennent qu’à cause de cela, il leur faut quitter l’Espagne au plus vite. Malheureusement, à cause de la voiture en panne de Granado, ils leur faut attendre.
Le 1er août, ils sont arrêtés…

 

Par berthold, le 24 mars 2014

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Notre avis sur Abattre Franco

Enfant, lorsque j’allais au marché à Irun (Pays basque espagnol), c’était encore la période franquiste, il y avait cette image, dans l’étal d’un boucher, il me semble, où l’on voyait un homme garroté. Et ça m’avait marqué. Surtout cet instrument de mort affreux. Depuis, j’avais un peu oublié.
Et puis, récemment, j’ai lu un article sur le livre Le bec des Corbeaux. Le sujet me plait, je ne fais pas vraiment attention à la couverture et je récupère l’ouvrage. Et là, je vois cette couverture qui montre le fameux engin de mort. Forcément, cela me frappe et me ramène des années en arrière. Et c’est une claque ! Un coup de coeur !

Le récit de Mikel Begoña nous raconte l’histoire vraie de Francisco Granado et Joaquin Delgado, deux hommes, qui ont voulu lutter contre l’oppression de Franco en Espagne et qui sont capturés et condamnés à mort pour deux crimes qu’ils n’ont pas commis : les deux attentats du 29 juillet 1963 !
Begoña met en scène cette histoire de façon assez originale et surprenante en mêlant fictions et réalité. Ainsi, le narrateur de ce récit est un présentateur célèbre de la météo espagnole de cette période : Mariano Medina. Il s’intéresse aux "petites gens" pour nous faire comprendre un peu cette période et la mentalité des espagnoles sous Franco. Ainsi, nous faisons connaissance avec un gardien du musée du Prado à quelques jours de la retraite qui vit chez sa soeur et son abruti de beau-frère, entre autre. Ce qui nous fait croiser un beau panel de personnages qui font tout le sel de cette histoire. Mais forcement, c’est sur Delgado et Granado que peu à peu va notre sympathie. Et au scénariste de nous offrir une belle construction narrative pour nous faire rentrer au mieux dans ce récit. On voit que Begoña s’est fortement documenté sur le sujet. L’auteur parle aussi des bourreaux qui officient en tant que "garroteurs". Je suis pas sur que ce terme existe, du coup. Mais cela permet de faire mieux comprendre l’horreur de leur "métier". D’ailleurs, l’une des scènes nous permet d’assister à un cauchemar du bourreau. Une scène aussi forte que d’autres dans cette oeuvre.
Mikel Begoña arrive même à mêler des personnages de la mythologie basque, donnant ainsi un ton particulier au récit.

Au départ, lorsque j’ai feuilleté l’ouvrage, je me suis dit que le trait d’Iñaket ressemblait un peu à celui de Dupuy & Berberian (Monsieur Jean), tout en conservant sa propre identité. Et, ma foi, son trait est vraiment efficace, servi par quelques teintes de couleurs, qui donnent une certaine puissance émotionnelle à cette histoire. Les rues de Madrid sont très bien rendues dans son dessin. On sent la chaleur de l’été, on sent la canicule nous oppresser pour bien nous faire tomber dans le "piège" qui rendra inéluctable le destin des deux hommes. Iñaket réussit dans ces pages de belles prouesses visuelles et de mise en scène arrivant même à y mélanger certaines oeuvres de l’artiste Goya ! Les scènes dures de ce livre vont nous hanter un moment par la suite.

Un dossier à la fin du livre vous permet de mieux comprendre cette célèbre affaire, de voir comment les deux hommes ont été des victimes de la justice franquiste, et malgré le fait que les vrais auteurs des attentats du 29 juillet 1963 ont avoué leur crimes, rien n’a été fait pour rétablir la vérité sur leur compte. Un sujet passionnant et important.

Le Bec des Corbeaux est une très belle surprise, un chef d’oeuvre du genre. C’est une livre que je vous invite à découvrir et qui vous passionnera autant que  moi.
En attendant, l’image de l’appareil de torture et de mort n’a pas fini de me marquer…

 

Par BERTHOLD, le 24 mars 2014

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