BAR À JOE (LE)
Intégrale

(Regroupe les trois albums: "Le bar à Joe", "Histoires amicales du bar à Joe" et "Dans les bars"
Une multitude de récits courts qui nous racontent des rencontres, des drames, des désillusions, un homme croise une femme, ils s’aiment, un autre tente de fuir, un grand poète vient visiter la ville et s’arrête boire un verre, on raconte le passé, le présent, on réfléchit au futur… Le bar à Joe, ou d’autres, sont des lieux ou la vie bouillonne, pleine de cacophonie, de portraits tirés sur le vif, de regards croisés !

Par fredgri, le 11 janvier 2018

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Notre avis sur BAR À JOE (LE) #Int. – Intégrale

Alors qu’ils viennent d’arriver chez Casterman, en 1979, Munoz et Sampayo doivent attendre de récupérer les droits d’Alack Sinner, publié auparavant par Choron chez Charlie. Ils décident donc d’entamer une nouvelle série d’histoires courtes, cette fois autour du fameux bar à Joe apparu dans les premiers récits de leur détective.
Le but, ici, est de s’éloigner des codes du polar classique et de brosser des portraits subjectifs et expressionnistes d’une humanité disparate et complexe !

Chaque récit va donc se concentrer sur un individu, sur une rencontre qui a comme décor un bar.

On voit ainsi dans "Le bar à Joe" un ensemble de petites histoires ou les uns et les autres se croisent. Un dépressif illégal qui angoisse, une ancienne gloire de la boxe qui se laisse embobiner et qui tente de reprendre du service, un tueur qui se prend d’amitié pour celui qu’il est venu tuer, une jeune photographe qui tombe amoureuse d’un médecin gay et un jeune homme émotif qui vit assez mal la maladie de son père… Des destins tordus, désillusionnés, sans échappatoire ! L’écriture est sèche, le graphisme doucement réaliste avec un traitement extrêmement contrasté. Les formes commencent déjà à s’éloigner d’un réalisme classique pour se rapprocher d’une vision plus subjective, plus profonde.
La démarche continue de s’amplifier dans les deux albums suivants, avec des récits plus disparates ou les auteurs jouent davantage sur la notion de brouhaha, de foule, et ou ils explorent aussi bien plus les codes de la bande dessinée elle même (comme avec l’incroyable et fascinant "Stevenson en quelques traits" ou le héros peine à retrouver son identité, alors que le pays entre dans l’ère Reagan. Tout du long il traîne son corps ou se dessine des traits en pointillé, il croit reconnaître dans tel profil, le sien, dans telle bouche, tel menton…). Les histoires se font elles aussi plus complexes, plus tortueuses. Petit à petit, Sampayo décortique les façade derrière lesquelles se dissimulent ces personnages, pour conclure par les magnifiques "Petits desseins" et par le troublant "II Bar" ou l’on retrouve Sophie et Alack Sinner !
Pour "Dans les bars" on s’éloigne de celui de Joe pour voyager. Sampayo explore ainsi l’histoire de ses héros, revenant à la fois dans le temps, mais aussi dans le présent, avec un regard posé sur l’actualité, sur la politique… Ce troisième album apparait donc plus engagé, plus radical aussi dans son traitement des codes de la BD. Les personnages plongent alors dans des ambiances cacophoniques, les autres parlent en même temps, il faut distinguer le récit principal au milieu des multiples fausses pistes, c’est particulièrement enthousiasmant comme lecture !
On sent très bien le chemin parcouru depuis le début. le dessin de Munoz est d’une extrême maturité, il continue de s’amuser avec son trait changeant, il se débarrasse des conventions pour glisser vers un graphisme extrêmement libre, on sent une certaine jouissance dans cette immersion. C’est beau, c’est fantastique et on en redemande !

Ce "Bar à Joe" se dévore comme une incroyable gourmandise qui s’apprécie morceau par morceau. On redécouvre Carlos Sampayo qui explore son écriture, qui s’amuse avec sa narration. De même que José Munoz qui pousse son exploration stylistique jusqu’à ses plus beaux extrêmes

Une lecture fascinante d’un bout à l’autre !

Très recommandé, évidemment !

Par FredGri, le 11 janvier 2018

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