Les larmes de l'assassin

A l’extrême sud du Chili, à trois jours de marche de la cité côtière de Punta Arena, vit le petit Paolo. Cohabitant médiocrement dans une bâtisse totalement isolée avec des parents peu attentionnés, il passe son temps à courir après les serpents et voit son pauvre quotidien s’animer uniquement lorsque de très rares voyageurs passent par chez lui. Jusqu’au jour où Angel Allegria, un truand notoire frappe à sa porte et s’installe durablement après avoir froidement assassiné ses parents. Une nouvelle vie commence alors pour le jeune garçon qui a eu la chance, grâce à sa subtilité enfantine, d’être épargné, au rythme d’une relation affective naissante. Quelques temps après, Luis Secunda, un fils de bonne famille en fuite, se présente à Angel et Paolo. Ce dernier étant en quête d’un lieu singulier, il prend pour parti de s’implanter à proximité et même, lorsque la mauvaise saison arrive, de cohabiter avec le truand et le garçon. Ce qui ne manque pas d’éveiller une certaine méfiance car le savoir de Luis suscite l’intérêt de Paolo que Angel voit d’un très mauvais œil.

 

Par phibes, le 1 avril 2011

Notre avis sur Les larmes de l’assassin

Après son travail remarqué dans Elle ne pleure pas elle chante en 2004 et sa participation au one-shot Le poisson-chat en 2008 chez Delcourt, Thierry Murat revient en solo sur le devant de la scène éditoriale en proposant ce nouvel ouvrage paru chez Futuropolis. Pour ce faire, il s’accapare le succès littéraire du même titre plusieurs fois primé et écrit par Anne-Laure Bondoux.

C’est dans une évocation artistique sobre que cet auteur émérite se distingue une fois de plus. En effet, les pérégrinations aux accents dramatiques de Paolo passent par une voix-off omniprésente, par une narration personnelle, délicate, à l’effet dactylographié à l’ancienne et par une représentation graphique volontairement épurée et quelque peu statique. Aussi, la curiosité est de mise, renforcée rapidement par la sensibilité de l’univers décrit. Car Thierry Murat sait éveiller l’intérêt du lecteur via la mise en avant des ambiances de dénuement et de solitude territoriale mêlées à la relation peu évidente entre les trois protagonistes au passé totalement différent.

Les émotions qui se dégagent de ce récit et qui s’entrechoquent agréablement sont pléthores et mettent bien en évidence un rapport complexe, à l’équilibre précaire, entre, d’un côté, Paolo qui campe l’innocence enfantine et de l’autre, la rudesse adulte portée par Angel et Luis. A cet égard, on appréciera le choix des quelques répliques savoureuses nature du jeune garçon, délivrant quelques envolées scénaristiques surprenantes et attrayantes. De même, on se captivera de la lente mutation des sentiments d’Angel l’assassin, dont les réactions peu volubiles démontreront imparablement des sentiments partagés.

Au niveau graphique, le style intentionnellement dépouillé de Thierry Murat correspond à merveille à la pauvreté du territoire sur lequel se passent les péripéties. Cette représentation taiseuse et sauvage, aux rares phylactères, est pourtant riche en évocation de toute sorte. Les sentiments les plus forts se ressentent en ce psychodrame tout en sensibilité. Le travail sur l’encrage, rehausser par une colorisation assez primaire, se révèle, dans son épaisseur et ses zones d’ombres, habilement et puissamment envoûtant. Tout comme l’expressivité des personnages, figés dans leurs attitudes, dégagent un charisme qui confond agréablement.

Une adaptation des plus réussies qui mérite assurément d’être lue.

 

Par Phibes, le 4 avril 2011

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