Laïka

Cette petite chienne n’était pas bien partie dans la vie… Personne n’avait voulu d’elle et elle avait fini par être confiée à un terrible petit garçon qui n’en voulait pas et qui considérait le fait de devoir s’occuper d’elle comme une punition. Puis elle avait été abandonnée par ce garçon et s’était mise à survivre dans la rue où les hommes de la fourrière moscovite mettaient tout leur zèle à capturer les chiens errants comme elles. Enfin, elle a été attrapée, puis vendue à l’Institut de Médecine Aéronautique dans le chenil duquel elle a fait l’objet de nombreuses expériences avant d’être choisie pour devenir le premier être vivant à voyager dans l’espace.

En 1957 en effet, la mise en orbite de Spoutnik 1 avait été un succès. Ayant compris l’importance en terme de propagande que pouvaient avoir les réussites dans ce qu’on appellerait plus tard la course aux étoiles, le chef du gouvernement soviétique d’alors, Nikita Krouchtchev, souhaita qu’un autre satellite soit rapidement lancé afin de prouver définitivement la suprématie du communisme sur le capitalisme. Et pour que l’expérience soit inédite, il avait demandé à ce que le vol soit habité…
 

Par sylvestre, le 1 janvier 2001

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Notre avis sur Laïka

Avec sa bande dessinée Laïka, Nick Abadzis nous romance l’histoire de cette fameuse chienne qui sera le premier être vivant à aller dans l’espace. Ce faisant, il n’oublie pas, et c’est logique, de nous parler des humains qui l’ont côtoyée. Ainsi cette histoire est non seulement celle d’une mignonne petite chienne attendrissante au regard de ce qu’elle a enduré, mais c’est aussi une histoire qui puise son intérêt dans le contexte historico-politique de l’URSS des années Krouchtchev ; un contexte qui a demandé à l’auteur un sérieux travail de recherche tant, vous l’imaginez, la notion de secret d’état planait sur tout ce qui avait trait aux avancées technologiques soviétiques relatives à la conquête de l’espace.

Laïka n’a pour ainsi dire jamais été heureuse. C’est en tout cas ainsi qu’elle nous est présentée par l’auteur. Pas désirée, abandonnée, errante, puis captive et cobaye… Même si d’aucuns pourraient qualifier son destin d’enviable, force est de reconnaître qu’il n’a jamais été symbole de tranquille liberté. Et même lorsque quelqu’un s’est épris d’elle – c’était le cas de la camarade Yéléna Doubrovski – les barreaux de sa cage et le destin qui allait se dessiner pour elle restaient des obstacles à son épanouissement.

Ce n’est qu’un animal, me direz-vous. Il n’empêche que c’est aussi pour Nick Abadzis un véritable personnage. Et même si elle est toujours simplement représentée comme la chienne qu’elle est, elle s’humanise à nos yeux au fil des pages et on finit par penser à elle et pour elle comme si c’était un humain : "Ce qu’elle vit n’est pas facile !", "La pauvre, devoir endurer tout ça…", "Elle est brave, elle subit, mais elle reste comme reconnaissante envers Yéléna."… Des choses comme ça, qui sont facilitées, disons-le, par le fait que l’auteur attribue dans certaines scènes des paroles et des pensées aux chiennes (il n’y a bien sûr pas que Laïka dans le chenil de l’Institut de Médecine Aéronautique). Des paroles et des pensées qui ne sont autres que des interprétations faites par Yéléna de leurs attitudes, de leurs aboiements ou de leurs regards…

Dans Laïka, d’autres protagonistes sont des personnages principaux. Il y a Gazenko, par exemple, ou encore Korolev avec l’histoire duquel la BD débute. Ils sont ceux par qui le côté politique vient à la rencontre des côtés techniques et sentimentaux.

A travers les vies et les destins mêlés de tous ces êtres, humains et canins, Nick Abadzis réussit la prouesse de nous faire revivre une page très intéressante de l’Histoire de l’URSS, rappelant le poids des pressions politiques et des atmosphères de délation d’alors, des difficultés des gens à penser par eux-mêmes. Il nous fait bien sûr revivre aussi ces victoires techniques des équipes de chercheurs et d’ingénieurs, pionniers de la conquête spatiale. Enfin, il distille tout du long la notion de confiance. Elle se traduira de différentes manières : celle du prisonnier politique pour sa patrie, celle des collègues entre eux, celle entre les humains et "leurs meilleurs amis" (les chiens)… Et elle donnera à la bande dessinée un côté chaleureux bien loin des procédures et des automatismes dont il est aussi questions derrière les murs des laboratoires soviétiques.

Laïka est une bande dessinée de 200 pages commençant par une vignette toute blanche et se terminant par une vignette toute noire. Brochée, elle est malheureusement d’un format qu’on pourra juger trop petit au premier abord. Certaines cases sont en effet toutes petites ! Elles sont un peu à nos yeux ce que les cages furent à Laïka ! Heureusement, le trait clair de Nick Abadzis ne nuit pas à leur visibilité.

Deux petites notes d’humour, pour terminer : la première concerne les remerciements de l’auteur, qu’il fait de manière originale à l’attention des gens qu’il aurait justement oublié de remercier. La seconde est un clin d’œil… à lui-même : en page 112, la signature en cyrillique qui se trouve au bas de la lettre attestant de la disculpation de Korolev est (en caractères latins) : Nicolaï Abadzis !
 

Par Sylvestre, le 9 juillet 2009

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