La volupté

Un monstre s’est échappé d’on ne sait où.
L’armée organise une battue à laquelle participent les chasseurs locaux. L’un d’eux est secrètement amoureux d’une ado.
Un des collaborateurs du président se retrouve seul en pleine campagne, il rêve de Christine, de sa chatte, de ses lèvres, ah Christine…
Séverine garde deux enfants mais leur père ne peut s’empêcher de fantasmer sur le corps de la jeune fille, et si tu mettais cette cagoule, je regarderais ton corps, ce pli de la fesse et cette courbe.
Et le monstre est un singe, et le singe se glisse entre les arbres, entre les maisons, et dans cette maison il ouvre une fenêtre pour regarder la jeune femme qui essaye de dormir, mais dormir, est-ce possible quand on soulève doucement les draps pour observer l’intérieur d’une cuisse ?
Et la cuisse n’est qu’un commencement…
Le crayon dessine une hanche, un creux, un nombril, un poil puis deux puis…

Par fredgri, le 1 janvier 2001

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3 avis sur La volupté

A la lecture de l’avis dithyrambique de Fred, je me suis dit que cette œuvre était inloupable. Je me suis mise à imaginer une douceur exquise provoquant remous et émois dans mon imaginaire féminin. N’ayant pas encore pu acheter ce très bel album j’étais assez impatiente de pouvoir me rendre en librairie. Mais le destin a précipité les choses et, au hasard d’un rendez-vous sans aucun rapport, j’ai pu le lire avant même de l’acquérir.

Première lecture : visuelle uniquement. On ouvre délicatement le livre et on regarde. Pas de précipitation malgré l’impatience qui me taraude, je déguste !
En effet, certains dessins sont d’une sensualité et d’une douceur magnifiquement bien exprimées. Les sensations érotiques sont développées grâce aux couleurs à dominante rouge, marron, noire, nostalgiques, réalisées au crayon de couleur comme d’un autre temps. Elles rappellent les années 50, les pupitres d’écoliers avec leurs encriers, les images après guerre volées par l’objectif d’un Doisneau. Tout comme son regard plongé sur un baiser en noir et blanc, le regard de Blutch rend les formes sensuelles et charmantes. Il les magnifie et les partage.

Mais cet album ne m’a pourtant pas fait chavirer. Ce dessin si précis, si réussi et cette ambiance aussi gracieuse ne m’ont pourtant pas enivrée comme je le supposais. 
Pourquoi ? Cet érotisme latent ne serait-il pas davantage significatif pour les hommes plutôt que pour les femmes ? Peut être … ou alors est-ce l’intervention de cet enfant qui a tant besoin que son père le regarde et que son père ne regarde pas ! 
Alors la volupté étant évidemment une notion très personnelle, il est probable que, même émue par cet album, je sois restée en attente d’une autre image, une autre image de femme.

La volupté de Blucth est un tableau que l’on regarde principalement et, lue de cette façon, l’œuvre est magnifique. Au final, un livre comme celui-ci est une ode à l’amour y compris pour cet enfant qui a tant besoin d’être vu, encouragé, aimé par son père et qui nous fait revenir à la réalité. Un nouvel albatros * a pris son envol et s’inscrit dans le sillage des poètes maudits du 19ème siècle. Un grand Charles Baudelaire est mort, un grand Blutch est né, tout un poème ! Je vous remercie aussi de ce moment passé en votre intimité (clin d’œil).

* : « Albatros » poème de Ch. Baudelaire extrait du recueil « Les Fleurs du mal » dont fait également partie « L’invitation au voyage » ayant la volupté pour thème.

Extrait : «… Là, tout n’est qu’ordre et beauté,
Luxe, calme et volupté.

Vois sur ces canaux
Dormir ces vaisseaux
Dont l’humeur est vagabonde ;
C’est pour assouvir
Ton moindre désir
Qu’ils viennent du bout du monde…. »

Par MARIE, le 28 septembre 2006

Monsieur Blutch,
Oui, je sais, pourquoi rajouter « Monsieur » ?
Passons,
je voulais vous dire combien cet album m’a touché, combien parfois suivre une simple courbe de hanche sur un dessin me chavire, me trouble, le crayon, la craie, la mine de plomb qui glisse sur un papier, qui s’anime,
je sais que ça n’est qu’un dessin mais combien de fois ressent-on ces choses, cette douceur dans une scène !
L’histoire est-elle importante ? Le monstre est encore un personnage, un décor qui rampe sur les pages, qui sert de vecteur pour lier ces moments, pour découvrir une position, une femme qui s’abandonne, qui entrouvre les cuisses, qui se fige, offerte sur un polaroïd, qui fait courir les chasseurs, l’armée, la puissance qui veut éradiquer cette anomalie, cette boule d’instinct qui renifle le parfum d’un arbre, d’une peau endormie, qui n’obéit à aucune contrainte.
Je sais que je n’ai pas forcément tout saisi, que je devrais me lancer dans d’autres lectures pour comprendre, ou tenter de comprendre ce que signifient simplement ces pierres qui jalonnent les pages de cette Volupté,
oh, expliquez-moi !
mais je suis un lecteur patient, je me laisse submerger par ce trait que je vous envie, ce rythme du dessin/croquis/esquisse, cette pureté, ce style brut et doux, l’aventure d’une trace, d’un fil délicatement intuitif qui façonne ces femmes qui se laissent découvrir, qui s’admirent alors qu’elles restent immobiles, sculptures vivantes à la chair pâle
et le lecteur tend la main pour voler du bout des doigts une caresse, frôler une cuisse…
Les ombres se tamisent sur le galbe d’une fesse.
Le crayon, je le devine, est un mouvement ample, il se dépose pour suggérer un regard plein de générosité.
Alors oui je vous remercie de ces moments à vous lire,
« La volupté » est avant tout un moment, plus qu’un album, passé à rester silencieux, le regard perdu dans une photo muette, sous un drap soulevé,
je ne sais pas si il était nécessaire de garder cette cagoule, elle est si belle sans.
Allez, je peux bien me le permettre…
Cher monsieur Blutch, revenez vite !

Par FredGri, le 18 septembre 2006

 Quel étrange album que celui ci.

 Le style peut-il faire tout passer ? Sans doute que oui dans l’absolu, et celui de Blutch ici est sublime ; rien à redire là dessus : Le dessin est vraiment magnifique, la narration, la mise en scène, parfaite et originale… Mais peut-on vraiment faire abstraction complètement de l’histoire, ou des idées/pensées/fantasmes (?) véhiculées, dans une bande dessinée ?… Je ne le pense pas ; nous ne pouvons pas totalement faire comme s’il n’y en avait pas et que seul le style comptait…

 Et c’est là à mon avis que le bas blesse dans cet album.

 Quelle volupté (au niveau sexuel, évoqué ici !) y a-t-il entre une femme et un singe ?… Quelle volupté dans le fait qu’un homme se compare à un lion (encore un animal) ne pensant qu’au sexe (à son odeur, sa couleur..) de sa femme ?… Quelle volupté peut-il y avoir avec les nombreux enfants présents dans cette histoire (un chasseur allongé sur le lit d’une petite fille assise par terre qui joue avec son fusil et lui parle de zizi par exemple !) ?… Etrange ! Pourquoi vouloir mélanger tout cela ? Pourquoi associer volupté et animalité semble-t-il ? J’ai du mal à comprendre.

 Tous ces éléments m’ont mis mal à l’aise finalement, et m’ont même presque choqué (il m’en faut beaucoup pourtant). Je n’ai pas été conquis au final, ni même n’ai ressenti quelque érotisme que ce soit, à cause de ce malaise persistant au court de la lecture. Vraiment dommage. Reste que Blutch a un coup de crayon fabuleux. Cruel dilemme.

Par François Boudet, le 7 octobre 2006

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