Portrait d'une femme moderne au Yémen

 
Intisar est une jeune Yéménite qui a dû, comme les autres filles de son pays, porter le voile à partir d’un certain âge. Il faut dire qu’au Yémen, les traditions n’ont pas seulement la peau dure dans les campagnes les plus reculées et que même à la capitale, la société est telle qu’hommes et femmes vivent pour ainsi dire sans jamais se croiser !

Intisar supporte difficilement ce mode de vie, et même si son voile lui offre parfois un certain anonymat et donc une certaine liberté, il est plus souvent synonyme pour elle de frustrantes restrictions. C’est pourquoi Intisar, à son niveau, réussit à s’inventer des moments de liberté volée, comme par exemple lorsque au volant de sa voiture, experte, elle sait prendre des petites revanches sur les hommes en leur faisant la nique.
 

Par sylvestre, le 12 octobre 2012

Notre avis sur Portrait d’une femme moderne au Yémen

 
On pourrait trouver dommage que cette bande dessinée ne soit pas l’œuvre d’une Yéménite : elle nous aurait alors parlé de manière autrement authentique du "problème". Mais on se console cependant rapidement en mesurant la chance que l’on a qu’un auteur ait abordé le sujet et nous permette de jeter un œil sur ce pays moins connu que d’autres qu’est le Yémen.

Quand sa femme est partie y travailler pendant un an, l’auteur espagnol Pedro Riera l’a suivie au Yémen. Là, dans la mesure du possible, ils ont côtoyé les gens, souhaitant que leur séjour ne se limite pas à une simple parenthèse exotique dans un univers d’expatriés. Ce choix les a forcément conduits à s’interroger sur des choses qu’ils ont vues ou vécues et qui leur ont posé question. L’ostensible non mixité entre hommes et femmes aura sûrement été l’une des observations qui les a le plus marqués : elle est assurément en filigrane derrière toutes les anecdotes qu’on découvre dans cet ouvrage.

Fort d’une expérience de vie dans la Bosnie de l’immédiat après-guerre qu’il a racontée dans différents écrits, Pedro Riera ne s’est donc – on l’imagine – pas retrouvé sans acquis ni sans réflexe malgré le fait qu’il soit arrivé en terrain inconnu. Cette bande dessinée le confirme, laissant par exemple penser qu’il a dû falloir du temps à lui et à sa femme pour approcher des gens, des femmes, gagner leur confiance et les faire témoigner. Leur faire accepter aussi que leur parole sorte d’elles-mêmes, de leurs cercles familiaux, du pays… au risque que certaines se fassent reconnaître et subissent des remontrances !

Intisar n’existe pas mais n’est cependant pas un personnage de fiction. Ambassadrice imaginaire de différentes femmes rencontrées par l’auteur et s’étant confiées à lui lors de son enquête, elle représente une génération, sinon une population entière, qui trouve là un moyen de s’exprimer et de toucher du monde au-delà de leur univers cadenassé. Tout en maintenant l’anonymat des personnes interviewées.

Pedro Riera nous transmet dans La voiture d’Intisar ce qu’il a vu, compris et entendu de la vie de ces femmes qu’il a rencontrées. En chapitrant son récit en autant d’anecdotes qu’il verse à l’actif de la seule Intisar, il crée un tout riche et dénué ni d’intérêt, ni d’humour. C’est à son ami et concitoyen Nacho Casanova qu’il a confié la réalisation graphique de cette BD. En noir et blanc, comparable à d’autres biographies ou autobiographies orchestrées sur le même ton, elle est une lecture à la fois amusante, inquiétante et génératrice d’une saine curiosité.
 

Par Sylvestre, le 12 octobre 2012

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