La route de Tibilissi

Dans une contrée frappée par la neige et le vent glacial, un couple et ses deux enfants fuient la vindicte de mystérieux guerriers masqués. Dans leur débandade, la mère est tuée d’une flèche et le père, touché mortellement, a juste le temps d’inciter ses enfants Jake et Oto son cadet, à partir vers Tibilissi rejoindre leur grand-père. Le danger se rapprochant, les deux enfants n’ont d’autre solution que de s’enfoncer de plus en plus profondément dans la forêt. Après avoir erré dans la tempête et fait halte sous un gros rocher, Jake et Oto, tenaillés par la faim, décident de revenir dans leur village dévasté afin de récupérer équipement et provisions. Là, usant de prudence, ils atteignent leur maison dans laquelle ils tombent nez-à-nez avec un assaillant gravement blessé. Tandis qu’Oto fait le plein de matériel, Jake s’occupe du blessé et reprennent leur fuite en avant. Au détour d’une maison, Oto retrouvent ses amis, Trois-Trois le robot et Doubi l’ours exotique et les embarque dans leur périple en direction de Tibilissi. Autant dire que leur escapade forcée va les amener à lutter contre le froid, la faim et également faire face à des rencontres dont certaines peu ragoutantes voire hors normes. Pourront-ils de fait atteindre leur objectif ?

Par phibes, le 30 mars 2018

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Notre avis sur La route de Tibilissi

La route de Tibilissi fait partie de ces récits qui ont la belle particularité de jouer habilement sur les faux semblants. Sans vouloir trahir les aboutissants de son équipée, David Chauvel, scénariste très inspiré, a décidé ici de jouer la carte de la surprise en nous poussant dans des retranchements insoupçonnés. Il va de soi que le résumé de l’éditeur Delcourt pose déjà une thématique qui vaut pour son pesant de mystère et qui, par ce biais, incite vivement à voir ce que ça cache réellement.

Dès le départ, le ton est donné. A la faveur d’un prologue sans appel qui nous plonge donc en pleine guerre hivernale, le récit nous introduit dans une course-poursuite impitoyable perpétrée par des hommes armés d’arcs à l’encontre d’une famille composée de deux adultes et de deux enfants. Eu égard à cet état de fait, David Chauvel a donc opté pour un drame aux accents médiévaux. Suite à l’assassinat des adultes, le récit se focalise donc sur les enfants enguenillés et leur destination potentielle, Tibilissi. Serions-nous en plein Caucase, non loin de la Capitale de la Géorgie ? Sans pour autant en révéler plus que ça, le scénariste nous plonge dans la détresse des deux enfants, au sein d’une fuite en avant qui évidemment va nous permettre de faire de plus amples découvertes.

A commencer, en fin du premier chapitre, par la rencontre étrange pour ne pas dire surprenante de Doubi et de Trois-Trois qui vont faire basculer le récit dans une autre dimension, plus onirique. Assurément, bien que la couverture et le pitch de l’album nous y préparaient, cet anachronisme provoqué par l’apparition d’un drôle d’ours et d’un robot fait son effet. Où l’auteur veut nous mener ? Pour connaître la réponse (parce qu’il y a une explication à tout ça en rapport avec le territoire), il faudra continuer à suivre les traces de Jake et d’Oto jusqu’à la fin.

D’autres rencontres auront droit au chapitre, permettant ainsi de casser la débandade linéaire des deux enfants et d’apporter des variations au scénario non négligeables. Entre confrontations bienfaisantes et affrontements douloureux, le récit n’aura de cesse de toucher notre sensibilité, eu égard à la perception permanente du danger et surtout de nous interroger sur la finalité réelle de cette équipée.

Au niveau du dessin, Alex Kosakowski fait sensation. Cet artiste qui nous livre sa première bande dessinée démontre déjà un savoir-faire indéniable, assurément issu de son travail dans le jeu vidéo. Son trait se veut réellement impressionnant surtout au niveau du détail et également des proportions, via un réalisme qui force le respect. Les larges panoramas enneigés se veulent superbes dans leur froidure et se voient associés à des personnages totalement hétéroclites. Jake et Oto sont d’une belle expressivité, d’une sensibilité attachante, et la galerie fourmillante de portraits qui leur est adjointe est saisissante.

Un récit haletant pleinement surprenant qui prend, considérant le final inattendu, toute sa place dans la collection Terres de Légende.

Par Phibes, le 30 mars 2018

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