REVUE DESSINÉE (LA)
Automne 2013

Au sommaire de ce tout premier numéro de La Revue Dessinée nous trouvons à la fois des reportages ("Belge Congo" de Jean-Philippe Stassen, "Le prix de la Terre" de Manon Rescan, Damien Brunon et Sébastien Vassant, "Marins d’eaux dures" de Christian Cailleaux, la première partie de "Derrière les grilles du zoo" de Marion Montaigne, la première partie de "Les Pionniers du gaz de schiste" de Sylvain Lapoix et Daniel Blancou, ainsi que "Allende, le dernier combat" de Olivier Bras et Jorge Gonzàlez) accompagnés par des pages "En savoir +" qui précisent avec dates et photos les sujets traités… Il y a aussi des rubriques qui se destinent à revenir régulièrement ("La sémantique c’est élastique", la chronique langagière de James, "Passion byte", l’informatique chroniquée par Hervé Bourhis et Adrien Ménielle, "Face B", la chronique musicale de Arnaud Le Gouëfflec et Nicolas Moog, "Le futur est pour bientôt", une chronique prospective d’Olivier Jouvray et Maëlle Schaller, "Mister Eco", la macro chroniquée par le Binôme, "Mi-temps", chronique sportive de terreur Graphique et "Savoir pour tous", la chronique décalée de culture G par David Vandermeulen et Daniel Casanave). Avec tout ceci nous trouvons une double page qui revient sur les contributeurs et une page "coups de cœur"…

Par fredgri, le 12 septembre 2013

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Toute la BD, que de la BD !

Notre avis sur REVUE DESSINÉE (LA) #1 – Automne 2013

Voilà donc le premier numéro de La Revue Dessinée, une revue trimestrielle initiée par un collectif d’auteurs: Franck Bourgeron, Sylvain Ricard, Kris et Olivier Jouvray, ainsi que le journaliste David Servenay et la romancière Virginie Ollagnier. 224 pages de reportages, d’enquêtes et documentaires, de rubriques qui reviennent sur l’économie, l’informatique, la culture générale, qui mettent l’accent sur un artiste, sur un trait de langage, qui s’amusent ou restent très sérieuses, le tout, bien sur, en bande dessinée !
La présentation est très claire, chaque reportage est introduit par un petit texte et conclue par une page récapitulative "En savoir plus" qui "contextualise" le sujet avec des repères historiques, bibliographiques et photographiques. Ainsi, le cadre est posé et on entre dans le sujet avec ce qu’il faut !
Tout de suite, on est impressionné par la diversité des sujets et des approches. Tantôt sérieux, tantôt humoristique, ici sans parti-pris trop affiché, là plus polémiste, la revue cultive son hétérogénéité qui en fait toute sa richesse. Il s’agit d’auteurs impliqués de toute façon dans un acte journalistique qui relatent une actualité, qui expliquent, qui informent.

Depuis ses débuts, qu’il s’agisse de caricatures ou d’illustrations politiques, de strips ou de structures éditoriales comme "Le Journal Illustré" le dessin et la bande dessinée de manière générale ont toujours été un outil véhiculant des idées plus ou moins engagées, passant même parfois par le biais de la fiction. Néanmoins le reportage BD revient en force depuis pas mal de temps. On a eu Joe Sacco, certains albums d’Etienne Davodeau, de Jean-Philippe Stassen… On a même eu il y a trois ans un projet qui pourrait presque donner l’impression d’être le grand frère de cette Revue dessinée, le Hors Série du Monde Diplomatique ou des artistes rejoignaient des journalistes pour illustrer des articles, pour "mettre en scène" l’actualité du magazine…
Il y a donc un vrai besoin, actuellement, d’implication vis à vis du monde qui nous entoure. Comme pour montrer que non, définitivement, un auteur de BD ça n’est pas là que pour raconter des histoires pour se détendre, pour "les gamins"… Que la BD c’est aussi une conscience, une prise de position…

Cette revue qui parait aujourd’hui nous donne alors la possibilité non seulement de nous informer, mais en plus de bien prendre conscience du formidable potentiel qui réside dans la bande dessinée. Un médium idéal pour communiquer des idées, qui permet de mélanger non seulement l’écrit à l’image, qui raconte, qui explique et dont les multiples codes ne cessent de se diversifier, d’explorer de nouvelles pistes et ainsi, dans le cadre de cette revue et de sa démarche, de créer un pont entre le trait subjectif de l’artiste et l’œil analytique du journaliste.

Et dans ce premier numéro nous en avons la parfaite démonstration.
Par le biais de "reportages" les artistes nous entraînent, d’une part, dans un profond commentaire de l’actualité, on suit ainsi Stassen qui nous explique les manifestations congolaises de 2011, le contexte et la réalité qu’elles mettaient en avant. Sans parti pris, l’artiste dévoile alors une situation plus complexe, plus inscrite dans un traumatisme qui traîne, alimenté par la violence de certain groupuscules plus ou moins financés par les gouvernements en place… De leur côté, Manon Rescan, Damien Brunon et Sébastien Vassant abordent le sujet de l’agriculture en s’interrogeant sur le problème du renouvellement des exploitants, du manque de relève plus jeune et plus particulièrement de cette pratique de "l’arrière fumure", une sorte de pot de vin complètement illégal mais tellement ancré dans les traditions qu’il semble hors de question de le discuter. Néanmoins, les sommes demandées sont souvent trop importantes pour un jeune agriculteur qui veut se lancer, freinant ainsi les vocations en devenir ! Sylvain Lapoix et Daniel Blancou s’attardent dans une première partie sur l’historique des recherches sur le gaz de Schiste, sur ce que c’est et sur les enjeux et dérives qui en ont découlé. C’est passionnant même si parfois il faut quand même s’accrocher, malgré tout c’est d’une extrême clarté dans sa démonstration. Puis il ne faut pas oublier le reportage à la Ménagerie du Jardin des Plantes de Paris par Marion Montaigne ! Dans cette première partie elle nous raconte l’historique de la ménagerie jusqu’à maintenant, elle aborde le soucis de l’évolution et cette modernisation nécessaire, le tout avec humour et décontraction, parfait !
En parallèle, nous avons droit à un reportage sur le quotidien des hommes du Floréal, un bâtiment militaire qui surveille les zones de pêche dans l’hémisphère Sud. Là, point de dénonciation, ni même d’actualité, il s’agit de témoigner du rôle du navire et des motivations de l’équipage. Christian Cailleaux parle ainsi de cette mission française et de la vie de ces marins, loin des leurs. Un récit plus proche des hommes donc !
Ensuite la revue nous fait découvrir des hommes d’exception, qu’il s’agisse du musicien Moondog ou des derniers jours d’Allende (formidables planches de Jorge Gonzàlez), c’est extrêmement instructif, comme peuvent l’être ensuite l’historique de l’informatique, l’explication de la relance Keynesienne ou encore l’évolution de la surveillance dans notre monde moderne… Nous sommes dans des commentaires plus explicatifs sur ce qu’est notre société, comment elle fonctionne et comment mieux l’appréhender.

Cette nouvelle Revue Dessinée ne base donc pas tout son discours sur une approche unique, sérieuse et grave, même si le constat général n’est pas des plus glorieux, il s’agit ici de davantage comprendre ce qui nous entoure. Il convient d’ailleurs de souligner l’incroyable travail de documentation, d’analyse sur tout les reportages, un travail très précis et très clair qui nous aide vraiment à aborder des sujets pourtant pas toujours très facile (je pense au chapitre éco ou même sur cette question de gaz de Schiste !!!).
De plus, j’ai particulièrement apprécié la légèreté des leçons de sémantique ou ce pseudo reportage sportif complètement foireux, un délice !

La Revue Dessinée fait donc très fort dès ce premier numéro en imposant une identité proteiforme fascinante.
A suivre de très très près !

Par FredGri, le 12 septembre 2013

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