La résistance du Sanglier

Stéphane Levallois évoque son enfance et l’ombre marquante de son grand-père Bernard, un homme qu’il n’a pas connu mais qui, selon sa mère, lui ressemblait beaucoup. Il se souvient de ses visites chez sa grand-mère et des évocations de cet homme « fort » qu’il imagine sous les traits d’un sanglier.

Cela nous plonge alors dans l’année 1942, en Loir-et-Cher. Grand-père Sanglier est un homme joyeux et avenant, malgré l’occupation allemande. Il aime faire des blagues à ceux qui fricotent un peu avec l’ennemi tout en se méfiant des vrais méchants, des collabos comme son voisin. Il faut faire attention car Grand-père Sanglier est aussi résistant. Pas un héros intrépide des romans d’espionnage, non. Un homme simple qui essaie, à son niveau, d’aider les autres à traverser la ligne de démarcation ou encore à cacher des armes dans son jardin.

Par legoffe, le 1 janvier 2001

Notre avis sur La résistance du Sanglier

Après Le dernier modèle, Stéphane Levallois lance un nouvel album chez Futuropolis. Il s’agit d’une œuvre très personnelle où il dévoile des pans marquants de son enfance et, plus généralement, des valeurs familiales intimes.

Sa démarche est très originale. Il choisit de plonger dans ces tourments en mêlant de façon très onirique le présent (sa vie d’adulte), son passé (l’enfance) et le passé de son grand-père, durant la guerre. Cet homme a indéniablement marqué la famille. Stéphane ne l’a pas connu et, pourtant, il respire sa présence et sa personnalité quand il vient chez sa grand-mère. Il imagine Bernard sous les traits d’un sanglier. Rien de péjoratif là-dedans car il y voit la force de l’animal et une certaine bonhomie. L’homme respire la joie de vivre, même en ces temps sombres de la guerre. La nuit, sans que sa femme le sache, il travaille pour la Résistance, toujours en gardant son esprit joyeux, ce qui tranche avec l’ambiance générale.

C’est alors que Stéphane nous raconte le drame, cette nuit terrible où les Allemands vont l’arrêter en compagnie de deux de ses complices. L’horreur du moment va marquer l’homme pour le reste de sa vie, et marquer ensuite sa famille.

Cette partie du livre sort totalement de l’aspect onirique développé dans la première partie du livre comme pour mieux signifier au lecteur qu’il n’est pas dans le songe ou le souvenir évasif. Non, cette fois, c’est bien toute l’atrocité de la guerre qui va nous frapper lors d’un épisode qui pourrait ressembler à une anecdote au regard de la grande Histoire, mais qui illustre parfaitement ces temps terribles et le souvenir de l’action collective de tous ces anonymes.

L’album, au-delà du récit d’une tranche de vie, est aussi un reflet très émouvant de la trace que laissent certaines personnes dans l’esprit de leurs proches. Il est impressionnant de voir combien le grand-père a marqué sa famille. En racontant cet épisode, Stéphane Levallois semble vouloir retrouver cet homme, le comprendre, approcher l’être dont le souvenir flotte avec tant d’insistance et créer ce lien intemporel avec celui qui lui ressemble mais qu’il n’arrive pas à imaginer sous d’autres traits que ceux d’un sanglier. On pourra penser qu’il ne peut pas facilement admettre la ressemblance avec un homme dont le vécu si fort n’a pas forcément de commune mesure avec sa propre destinée.

L’auteur nous parle aussi de la valeur de la vie, de toutes les vies, petites et grandes, dans une très belle métaphore.

À travers ce livre, il réussit l’incroyable pari de laisser transparaître toute son émotion et des sentiments extrêmement personnels. Il le fait grâce à une maîtrise de son récit, pourtant complexe, et grâce aussi à un dessin sublimé. En choisissant la bichromie il nous livre un carnet spontané, très beau et très intime qui touche droit au cœur du lecteur.

Par Legoffe, le 11 septembre 2008

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