La fuite du cerveau

Dans la nuit du 18 avril 1955, l’illustre professeur Albert est décédé. Dès sa découverte, son corps est transporté à l’hôpital de Princeton. Son arrivée provoque l’émoi du directeur de l’établissement qui, craignant la gente journalistique qui s’amasse devant les portes, dépêche illico le pathologiste Thomas Stolz pour faire dare-dare l’autopsie du défunt. Alors qu’il débute l’examen avec une infirmière et qu’il commence à tirer des conclusions sur la cause du décès, le médecin a eu une idée. Et s’il étudiait le cerveau pour en connaître sa haute spécificité ? Répudiant l’infirmière, Stolz récupère scie, pince et marteau et trépane son patient. Malheureusement, ses agissements mystérieux ont alerté le directeur de l’Hôpital qui vient, d’un pas nerveux, questionner son pathologiste. Ayant eu juste le temps de cacher le cerveau dans un bocal et masquer le corps mutilé, Stolz rassure son directeur sur son travail et participe avec brio à une rapide conférence de presse. Sitôt fait, le praticien n’a plus qu’une chose à réaliser : partir à l’exploration de l’intelligence humaine. Il ramène le cerveau à son domicile à l’insu de sa famille et vient le cacher dans sa cave. C’est à ce moment-là qu’apparait, face à lui, le professeur Albert. Ce dernier lui apprend qu’il est prêt à étudier sa matière grise avec lui.

Par phibes, le 27 septembre 2020

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Notre avis sur La fuite du cerveau

Après le roman graphique Malaterre qui tanguait entre fiction dramatique et autobiographie, Pierre-Henry Gomont revient avec un nouvel album qui fleure bon le changement radical de registre. En effet, avec la fuite du cerveau, l’artiste se fait fort de narrer les aventures post-mortem d’un éminent scientifique, Albert Einstein, suite au vol de son cerveau par le docteur Thomas Sotlz Harvey. Force est de constater que si, au fond, les faits sont véridiques, ce qui est rapporté l’est d’une manière joyeusement détournée.

Partant de la date effective de la mort du fameux physicien, l’auteur nous prend par le col pour évoquer, sous le couvert de citations d’hommes célèbres, les tribulations du pathologiste Stolz qui, en autopsiant son défunt, s’accapare sa matière encéphalique pour en percer le mystère. Mais pour cela, il doit être tranquille et accompagné de spécialistes partageant son envie, ce qui malheureusement ne va pas être le cas, FBI oblige et comme peut l’expliciter le premier de couverture.

A n’en pas douter, Pierre-Henry Gomont nous démontre via cet album qu’il n’a pas voulu faire dans la demi-mesure, qu’il a souhaité mettre en avant un récit bourré de bonne humeur, de fantaisie et de totale dérision. Portée par des personnages réellement attachants qui se complètent génialement, à commencer par le « spectre » décervelé du professeur Albert, suivi du remuant pathologiste Stolz et de la sémillante Marianne, cette équipée nous introduit dans une sorte de course à la découverte d’un mystère profond (celui de la connaissance) et qui passe par des étapes jouissivement abracadabrantesques. Cette quête difficilement réalisable est remarquablement bien gérée car elle a l’avantage de nous engager dans des délires qui soulèvent toutes sortes d’émotions.

Evidemment, la mise en images de cette aventure se veut exceptionnelle. D’un geste très libéré, Pierre-Henry Gomont donne un grand souffle à son message pictural, créant d’un trait à mainlevée riche et efficace des situations ubuesques et des personnages qui font leurs effets. Sur ce point, la représentation du grand cerveau à l’origine de l’équation E=mc² sans sa matière spongieuse est purement excellente et favorise pleinement le côté décalé de l’histoire. Par ailleurs, on appréciera le côté sonore du message restitué par un bon nombre de bruits bien ressentis et également on se délectera des très bonnes métaphores qui fleurissent çà et là.

Un excellent album de 200 pages jubilatoires à souhait, à lire absolument. Chapeau bas, Monsieur Gomont !

Par Phibes, le 27 septembre 2020

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