La cage aux cons

Parce que sa Karine a des notions de capitalisme et qu’il n’est pas en mesure d’apporter une quelconque contribution, lui, basé sur l’idée de gauche, a décidé d’aller au bar pour réfléchir à leur situation. Tout en sirotant un verre de vin et en grillant une clope, son attention est attirée par les élucubrations bruyantes d’un con complètement rond qui se vante d’être riche comme Crésus. Pour satisfaire sa belle, il se met à suivre le type jusqu’à son domicile afin de lui soutirer facilement quelques patates. Après avoir attendu que la maisonnée soit plongée dans le noir, il pénètre dans celle-ci et, sous un boucan d’enfer perpétré par le propriétaire aviné, entame sa noble quête. Il avise le tiroir d’une commode et trouve le saint graal qui va l’aider à se rapprocher de sa dulcinée. Malheureusement, il est surpris par le con tout ragaillardi qui, anticipant son bond de cougar, le menace de son révolver. Ce faisant, il l’entraîne dans la pièce à côté et le prie de remplacer la personne qui gît sur une chaise gorge béante. Le voilà pris au piège dans la cage du con.

Par phibes, le 26 octobre 2020

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Notre avis sur La cage aux cons

Après avoir œuvré ensemble sur Désintégration, Robin Recht et Matthieu Angotti se retrouvent toujours sous l’égide de la Maison Delcourt pour une nouvelle bande dessinée qui a la particularité d’être l’adaptation de l’atypique roman de Franz Bartelt, Le jardin du bossu. L’on ne pourra qu’être séduit par cette initiative qui nous entraîne dans les tribulations rocambolesques d’une petite frappe qui, pour satisfaire l’appétit vénal de sa tendre compagne, s’est mis en quête de détrousser un con.

Il ne fait aucun doute que dès le départ, on ne peut qu’être séduit par la tonalité acidifiante donnée par Karine de cette équipée qui a le privilège de nous faire penser que la sauce à laquelle nous allons être mangés va être aigrelette. A l’appui d’une narration personnelle se rattachant au malfrat à la naïveté débordante (gauchiste de base un tantinet poète), on suit ses péripéties face à un con beau parleur qui a plus d’un tour dans son sac. En même temps que le cougar amateur de patates, nous pénétrons dans un jeu de cons et allons de surprises en surprises, au fur et à mesure que le sinsitré déroule son jeu, un jeu sombre et très énigmatique.

On sera subjugué par les nombreuses réflexions qui germent dans la tête du pauvre voyou de base, suscitant de par son esprit faible et de sa propension à un humour adipeux comme on les aime. Les échanges sont fleuris, presque « audiardisés » qui reflètent bien les ambiances des années 50/60, accompagnés par des situations totalement délirantes où le meurtre, le sexe et la manipulation sont de mise. L’on concèdera que le huis clos se veut particulièrement bien ciselé et draine de bons rebondissements jusqu’à atteindre un final incroyablement surprenant.

Côté graphisme, la restitution du roman passe par une réalisation en noir et blanc. Le choix est habile puisqu’il campe plutôt sombrement une époque et un milieu. Le trait utilisé est, lui, subtil voire incisif, celui-ci bénéficiant d’un détail foisonnant et s’épaississant au fur et à mesure que l’on zoome sur les décors et les personnages. Il n’en demeure pas moins qu’il est fortement expressif et campe bien la personnalité des intervenants (clin d’œil spécial à Lino Ventura).

Une adaptation franchement « déconnante » qui vaut pour son pesant de loufoquerie. Excellent !

Par Phibes, le 26 octobre 2020

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