L'île aux remords

Le 30 septembre 1958, une pluie discontinue s’abat sur les contreforts d’un petit village gardois provoquant une crue d’une intensité rare. Le docteur Poujol rentre de tournée et fait une halte au café du coin. C’est en évoquant les dégâts occasionnés par les intempéries qu’il s’aperçoit qu’il a oublié de se préoccuper d’une personne âgée qui vit à l’écart du village. Bravant l’interdiction de circuler, le médecin parvient non sans mal à atteindre l’endroit qui, touché par les eaux, ressemble à une île. Alors que les rayons du soleil commencent à trouer les nuages, il retrouve le vieil homme en question entouré de ses chèvres, en fait son père qu’il ne voit que très rarement. Tout en attendant la décrue, les deux hommes se mettent à échanger et en arrivent peu à peu à évoquer le passé, des pans de vie qui leur sont propres et qu’ils n’avaient eu jusqu’à présent eu la volonté de s’avouer.

Par phibes, le 13 octobre 2017

Notre avis sur L’île aux remords

A la faveur d’une fidélité on ne peut plus gratifiante, Didier Quella-Guyot et Sébastien Morice recroisent leur chemin, toujours sous le couvert de la maison Bamboo et de sa collection Grand Angle. Après Le café des colonies, Papeete 1914 et Facteur pour femmes, les deux artistes nous offre un nouveau roman graphique qui fleure bon à la fois témoignage historique et secrets familiaux.

A partir d’un fait météorologique avéré (les inondations de 1958 dans le sud de la France), Didier Quella-Guyot trouve le moyen de nous plonger dans un huis clos des plus prenants, dans un face-à-face entre deux hommes qui n’ont jamais eu trop eu l’occasion de communiquer et qui, ici, vont jouer cartes sur table pour faire émerger la vérité.

Comme il a su le démontrer précédemment, le scénariste nous livre un récit à taille humaine, s’étalant à la faveur d’un « chapitrage » bien visible. Au fil des pages, l’on découvre les deux personnages, leur lien réel et surtout ce qu’ils ont enfoui en leur for intérieur. Sous des aveux subtilement distillés, les témoignages sont forts et font appel à des évènements tragiques fictifs mais aussi des vérités historiques marquantes volontairement soupesées. Entre les bagnes guyanais et vietnamiens, le médecin narre avec justesse son parcours, les conditions de détention des annamites. Face à lui, le vieil homme évoque la résistance, le FTP. Les deux hommes, aux caractères différents, se révèlent captivants de par leurs témoignages et provoquent une réelle sympathie. Qui plus est, à la faveur des confidences et des surprises qu’elles génèrent, les élans émotionnels prennent une place de plus en plus forte et nous conduisent à un final fortement marquant.

De son côté, Sébastien Morice conforte son talent d’illustrateur acquis au fil des albums réalisés antérieurement. Le travail qu’il produit dans cet album, tout en couleur doucereuse et en esthétisme, se veut d’une qualité irréprochable. Le causse gardois, tout comme les autres territoires guyanais ou annamites sont généreusement représentés au travers de panoramas d’une beauté remarquable. Les personnages sont quant à eux des plus concluants dans leurs expressions, leurs attitudes, et sont représentés sous des plans visuels particulièrement aiguisés.

Un bien beau récit émouvant, partagé entre drame et histoire, à ne pas manquer !

Par Phibes, le 13 octobre 2017

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