L'autre côté la mer

Benjamin Grondin vit une existence pauvre, mais tranquille, sur l’île de la Réunion avec sa femme et ses trois enfants.

En cette année 1914, les tensions diplomatiques européennes paraissent loin. Mais les Réunionnais s’en inquiètent un peu, malgré tout. Ils ont raison. A l’automne, Benjamin se retrouve mobilisé, comme bien d’autres créoles. Il est envoyé sur le front dans les Dardanelles. Une expérience terrible qui finit par le pousser à entrer en « marronnage ».

Par legoffe, le 24 octobre 2019

Notre avis sur L’autre côté la mer

C’est un très beau livre que viennent de publier les Editions Epsilon. Les auteurs nous permettent d’aborder la Première Guerre Mondiale du point de vue des Réunionnais. L’initiative est très intéressante car elle nous offre, avant tout, l’occasion de découvrir la vie sur l’île à une époque où elle n’est pas la destination touristique que l’on connait.

Car, si la BD montre bien des scènes de guerre, l’essentiel de l’histoire se déroule à la Réunion, aux côtés de la famille Grondin.

Le quotidien des Créoles n’est pas toujours rose, dans une société qui reste dominée par les blancs de la métropoles. Et s’ils se sentent parfois un peu oubliés, l’Etat français se rappelle à leur bon souvenir quand il a besoin d’eux, profitant d’ailleurs de leurs faiblesses pour mieux les enrôler. Le début de la guerre en 1914 en est la parfaite illustration. Voilà des gens qui n’ont connu que leur pan d’île et qui se retrouvent à l’autre bout du Monde, confrontés à l’horreur des tranchées.

Le destin (imaginaire mais inspiré de l’expérience de différents Réunionnais qui ont vécu le conflit) de Benjamin est riche. A travers lui, on parle des combats, mais aussi de la désertion, de la vie quotidienne dans l’île avant et pendant la guerre… Il est raconté de façon très vivante par l’un des enfants du soldat.

En installant le lecteur au plus près des personnages, le sentiment d’immersion est total, d’autant que les auteurs utilisent beaucoup la langue créole dans les dialogues. Il faut parfois se concentrer un peu pour comprendre certains textes, mais c’est finalement vite naturel. On s’étonne alors de lire de plus en plus facilement les dialectes au fur et à mesure que nous avançons dans cette histoire dense qui compte plus de cent pages.

Outre le récit, passionnant, j’ai beaucoup aimé les dessins de David d’Eurveilher. Le style cartoonesque, sans dédramatiser, permet d’alléger le propos. Surtout, il véhicule bien les émotions des personnages, dont les visages sont très expressifs. Cela donne de superbes planches.

En fin de livre, des pages documentaires permettent d’explorer un peu plus certains sujets abordés dans la bande dessinée.

Cet album est une jolie réussite. S’il évoque la grande Histoire, il fait la part belle à l’émotion et à l’humanité des personnages, permettant au lecteur de découvrir la société réunionnaise de l’époque de façon touchante et vivante.

Par Legoffe, le 24 octobre 2019

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