KRAZY KAT (VF)
1935 - 1939

Ce troisième volume rassemble les Sunday pages de Krazy Kat parues dans la presse US entre le 1er juin 1935 et le 31 décembre 1939, une période qui correspond à l’arrivée de la couleur dans les strips. Tout au long de ces quelques 240 pages nous retrouvons ce monde de l’absurde au côté de Krazy, Ignatz et le sergent Pupp.
Un remarquable volume qui montre une nouvelle fois l’incroyable intemporalité de ce chef d’œuvre de la bande dessinée… !

Par fredgri, le 24 décembre 2014

Notre avis sur KRAZY KAT (VF) #3 – 1935 – 1939

Est il encore besoin de présenter Krazy Kat, avec ce troisième volume qui célèbre le génie d’Herriman et la force de ses planches ?
En 2012, les Rêveurs commençaient la traduction de Krazy Kat en français. Ce qui se présentait comme un pari audacieux est vite devenu un succès immédiat, récompensé en 2013 par le prix du patrimoine d’Angoulême et salué unanimement par la critique qui soulignait l’importance de cette réhabilitation, mais aussi la grande qualité du travail éditorial, de la traduction et de la restauration (dans la foulée des éditions proposées par Fantagraphics aux USA !). Krazy Kat revenait en force, tandis qu’une nouvelle génération découvrait cet incroyable univers… !

Comme pour les deux précédents volume c’est difficile d’écrire un avis sur Krazy Kat au milieu des nombreux dossiers consacrés à ce chef d’œuvre, d’analyses, de lectures commentées… Tous se sont penchés sur les mérites de ce strip, son innovation… Alors, encore une fois je vais me contenter de commenter cette lecture, cette magnifique redécouverte !

Et le charme opère à nouveau, la qualité de cette restauration, de l’emballage éditorial, la traduction exceptionnelle de Marc Voline font de ce rendez-vous une formidable plongée dans ce que la bande dessinée peut avoir de plus universelle, son langage, exploré au travers d’un univers extrêmement riche, foisonnant d’imagination, de potentiel ou George Herriman joue avec tout les codes du genre, ne se cantonnant pas uniquement à l’humour, rajoutant une profondeur inédite, à la fois poétique, philosophique, onirique ou simplement existentielle…
En avançant dans les pages, en allant consulter les notes en fin de volume, on se rend compte du monumental travail qu’a abattu Marc Voline pour reconstruire et adapter en français le langage si particulier de ces personnages. On devine l’incroyable travail en amont sur l’auteur, sur ses gouts, sur la contextualisation… Il y a une vraie exigence éditoriale, un soucis du détail, de la précision !
Et il faut bien avouer que le résultat est très impressionnant, une nouvelle fois ! Un vibrant hommage au comté de Coconino et ses habitants, à ce nonsense et cette profondeur qui se glisse dans chaque strip.

Pour ce troisième volume Herriman passe donc à la couleur, Marc Voline explique brillamment l’importance de ces choix chromatiques, en quoi la couleur est révélatrice et très représentative du paysage qui entoure ces personnages. A nouveau, nous entrons dans les coulisses de l’artiste, dans son rapport direct à son œuvre ! Passionnant !

Ce travail de réhabilitation est important et capital car, jusque là, Krazy Kat n’a pas été très bien traduit, ou très succinctement. Ne permettant pas au strip de véritablement se faire connaître d’une part en France, mais plus globalement en dehors des cercles d’initiés.
Grâce à l’éditeur américain Fantagraphics, au travail d’archivage de Bill Blackbeard et Derya Ataker qui ont tout dépoussiéré et tout rassemblé, archivé et restauré (le projet a été initié par Eclipse Comics, Blackbeard et Turtle Island Press au début des 90’s, avant d’être repris par Fantagraphics en 2002), puis à la volonté des Rêveurs de servir de passerelle pour les lecteurs français, nous avons le plaisir de plonger, depuis 2012, dans ces merveilleux volumes, très imposants, qui se feuillètent avec respect et fascination.

Depuis que Fantagraphics a véritablement lancé cette dynamique de restauration d’un énorme patrimoine on a pu ensuite redécouvrir au travers d’intégrales d’autres chef d’œuvres comme Peanuts, Popeye, Prince Valiant, Pogo, Mickey etc. D’autres sont venus se joindre à cet effort, comme IDW, Hermes, Titans ou même Taschen… Et depuis quelques années la France relaye ces volumes pour notre plus grand bonheur (Soleil adapte les Tarzan et les Prince Valiant, Dargaud les Peanuts, BDArtistes les Terry & The Pirates et plus récemment Akileos les EC Comics et même Pogo !!!) !!!
Cette prise de conscience est une vraie aubaine et l’occasion rêvée pour rencontrer ces planches qui ont influencée des générations d’auteurs, de lecteurs !

Quand on dresse donc l’oreille on entend les critiques parler de Krazy Kat avec beaucoup de zèle, insistant sur la profondeur des idées de Herriman, sur sa richesse graphique, sur la force de ses métaphores et le pouvoir absurde de ses histoires.
Ce qui m’a plu dès le début c’est justement cette audace, cette complexité sonore des textes de Krazy Kat, Ou les langues se mélangent avec l’argot, avec une sorte d’accent propre au comté de Coconino. Très vite, il n’y a plus aucune ambiguïté nous sommes bien face à un vrai monument de la BD !

Et c’est justement là l’aspect le plus troublant dans cette lecture, car le schéma de base de Krazy Kat est des plus simples, une souris qui balance des briques sur la tête du chat qui l’aime… !!!
A partir de ce simple schéma Herriman construit tout un monde, rajoute d’autres protagonistes ! Il s’amuse, il joue avec les mots, avec les références, avec la forme même de la planche, livrant ainsi une œuvre très complexe, mais incroyablement pregnante.
Alors, en effet, peut-être que le public n’a pas forcément reconnu tout de suite les mérites de Krazy Kat. S’il n’y avait eu le soutien de Hearst dès le départ, peut-être n’y aurait même jamais eu de sunday pages ! Toujours est-il qu’aujourd’hui, avec le recul nécessaire, avec sous le nez l’histoire de la bande dessinée, Krazy Kat est plus que jamais d’une exceptionnelle modernité très rafraîchissante !

Alors oui, j’insiste, il faut se souvenir et redécouvrir ces bijoux de la BD qu’on avait eu longtemps tendance à oublier. Il faut savoir de temps à autre revenir aux bases, à cette époque ou les auteurs façonnaient le média lui même, qu’ils établissaient les codes, qui construisaient un monde entier… Il y a dans ce geste de lecture un côté primordial et extrêmement important qui montre bien que nous ne sommes pas juste des lecteurs passifs, bercés par l’actualité immédiate, sans reconnaissance des ainés !
Ainsi, merci aux Rêveurs pour perpétuer cette aventure éditoriale… !

A lire absolument, sans plus attendre !

Par FredGri, le 24 décembre 2014

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