George Herriman, une vie en noir et blanc

Il y a maintenant 138 ans naissait, à la Nouvelle Orléans, George Joseph Herriman. De sang créole, mais de peau assez claire, le jeune homme va rapidement cacher ses origines "mulâtres" pour pouvoir se lancer dans une carrière de dessinateur de presse, se faisant rapidement une place solide dans la communauté des artistes de comics strip ! Mais aujourd’hui, son œuvre la plus marquante, celle à travers laquelle il se fera le plus connaître, reste l’incroyable Krazy Kat créé en 1913, dans les marges de The Dingbat Family ! Cet univers si particulier, ce gag qui se répètera jusqu’au dernier strip, en 1944, Ignatz la souris envoyant une brique sur le chat Krazy, une atmosphère complètement atypique qui fascinera des générations de lecteurs et de créateurs…

Par fredgri, le 26 octobre 2018

Notre avis sur George Herriman, une vie en noir et blanc

A l’heure ou Les Rêveurs proposent deux énormes coffrets reprenant les quatre volumes de Krazy Kat, publiés entre 2012 et 2015, cette biographie, revenant sur la vie de George Herriman, fait figure de passerelle idéale pour appréhender et apprécier le travail de cet artiste hors norme et son univers empli d’un humour à la fois poétique et absurde plein de charme !

Nous entrons dans cette biographie par les bases familiales de Herriman, la rencontre de son arrière grand père Stephen Herriman et de Justin Oliver, le début de la lignée qui amènera jusqu’à lui, l’impact de cette culture métissée, de cette identité "noire", le cadre social de l’époque, au dix neuvième siècle, à la Nouvelle Orléans… Puis arrivent les premiers pas du jeune artiste, ses premières illustrations, ses rencontres, les publications qui se multiplient, la rencontre avec sa femme, ses déménagements et ses filles.
Tout est extrêmement documenté, Michael Tisserand a été creuser dans d’obscures registres pour retrouver la traces de transactions commerciales, immobilières, des dates de naissance, des photos d’époque, il a débusqué et commenté la moindre illustration d’Herriman, retraçant à la fois son parcours familiale et professionnel, en établissant des parallèles avec l’époque, avec l’actualité… Il a même retrouvé des témoignages particulièrement édifiants qui brossent le portrait d’un homme généreux, timide et maladivement modeste…

Plus nous avançons dans notre lecture, plus nous comprenons que Krazy Kat est surtout l’aboutissement d’une longue carrière, ponctuée d’une multitude de strips, d’illustrations diverses qui ont progressivement amené Herriman à un degré d’excellence, à une reconnaissance tant dans le milieu des artistes eux même mais aussi auprès d’un lectorat prestigieux.
Car quand il commence KK, Herriman a déjà une excellente réputation, son nom est très connu et il fait partie de l’écurie Hearst depuis pas mal de temps. Krazy Kat est le fruit d’une volonté de créer un strip qui s’éloigne de ce qu’il a jusque là l’habitude de produire, qui répondait au tendances du moment, pour aller vers une écriture et un graphisme encore plus personnel. C’est aussi la série à travers laquelle Herriman se projettera le plus intimement, de par ses thématiques, ses angoisses… Bénéficiant ainsi d’une liberté totale, Herriman explorera tout ce que le format lui permettra, repoussant les limites de la narration, du rythme dans une page, jouant avec le langage, tordant son concept de base dans tout les sens. Il ajoutera ensuite des symboles dans les coins (étant passionné par la culture Navajo il situera très vite l’action de Krazy Kat en plein désert, tout en rajoutant des éléments graphiques indiens par-ci par-là) et s’amusera à expérimenter une façon de mettre en scène ses planches inédite.

Le livre est passionnant d’un bout à l’autre, même si je dois bien avouer que l’aspect résolument anecdotique, assez souvent, peut m’avoir perdu parfois. Mais le travail effectué est si précis, si poussé (un peu à la façon de Richard Ellman dans sa bio de Joyce, par exemple), qu’on ne peut qu’être fasciné par le résultat !!!

Une somme qui impressionne et qui réhabilite un artiste, dans la continuité de ce que les Rêveurs ont effectué jusque là !

Si, en refermant la dernière page, vous n’avez pas envie de vous jeter sur les très beaux volumes en français, eux aussi magnifiquement traduits par Marc Voline, je ne sais pas ce qu’il vous faut !

La lecture de cette rentrée !

Par FredGri, le 26 octobre 2018

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