KILILANA SONG
2/2

Le jeune Naïm est donc embarqué contre son grès par le vieil homme qui veut emmener loin de son île les reliques dont il s’occupe depuis des lustres. Petit à petit commence à se créer une étrange initiation au monde des esprits pour le garçon… Mais pendant ce temps là, le grand frère de Naïm s’inquiète, ou est passé le gamin, on sait juste qu’il est parti avec Jahid, sur son bateau, mais depuis quelques jours plus de nouvelles… Jahid, de son côté se retrouve donc d’une part sans son bateau, mais sans sa marchandise qu’il doit ramener à son client, à terre, un client qui s’impatiente, en manque… Et le complexe hôtelier commence à déformer le pays tandis qu’une violente tempête se déclenche…

Par fredgri, le 7 septembre 2013

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Notre avis sur KILILANA SONG #2 – 2/2

Dans le premier volume de Kililana Song, en 2012, Benjamin Flao installait un rythme très particulier, tout en prenant le temps de présenter ses personnages, les enjeux et la situation économique de la région de Lamu. On voyait se profiler une tempête, tandis que les dernières planches laissaient augurer des évènements peut-être plus explosifs. Mais très vite, en s’immergeant dans les premières pages de ce tome deux, nous comprenons que l’artiste ne va pas pour autant tomber dans la facilité et suivre cette dynamique trop évidente. Il se permet de ralentir son récit encore davantage, dans une atmosphère presque en suspension. Le petit Naïm se retrouve en pleine mer avec le vieux Mzé, il se découvre une conscience, un peu moins d’insouciance. A terre Hassan s’inquiète en essayant de retrouver son frérot, il rencontre l’amour en passant… Tous attendent, tentent de trouver des réponses à leurs interrogations, en glissant progressivement dans une ambiance très tendue, presque palpable… La tempête qui éclate est davantage là pour tout nettoyer, pour mettre les choses à plat, l’homme face à lui même, face à ses limites. Elle n’empêche pas la vie de continuer, elle ne résoud rien, chacun fait le point, il faut continuer.

Benjamin Flao devient donc ici plus intimiste, encore plus proche de ses personnages dans cet album qui se concentre profondément sur ce qui demeure le plus essentiel, une sorte de prise de conscience générale ou chacun se repositionne, quitte à devoir assumer le cour des choses plus rapidement que prévu. Bon, il y a bien encore cette histoire de trafic d’armes, de drogue, ou encore ces magouilles immobilières avec ce complexe hôtelier qui se construit, toutefois on a bien conscience aussi qu’il s’agit davantage d’un cadre narratif que du fondement même du propos. Et même si l’auteur veut tout de même laisser transparaitre un léger discours sur la perversion des capitaux étrangers, on est bien plus touché par l’extrême finesse des portraits brossés sous nos yeux, le tout allié à une véritable virtuosité graphique éblouissante.
J’oserais même rajouter que c’est bien plus poussé que dans le premier volume ! De nombreuses pleines planches muettes, simplement illustratives, mettant en scène la mer, la tourmente, le ciel… C’est sublime, on retient notre souffle et on plonge dans ces aquarelles hypnotiques qui magnifient le silence, la lumière et les pensées qui voguent.

Benjamin Flao conclue ainsi un diptyque fascinant qui non seulement raconte le croisement subtile de mille et une destinées, sur un canevas assez désenchanté, sans pour autant devenir polémiste, mais en plus qui prend le temps de se perdre en cours de route, de se laisser partir vers des digressions, vers des chemins de traverse inattendus et captivants.
Mais bien au delà de ce regard, c’est pour moi la découverte d’un artiste extrêmement subtil tant scénaristiquement parlant que sur le plan graphique.
Et c’est sur ce dernier point que la rencontre est bouleversante. Car c’est bien de ça qu’il s’agit ici ! Un très adroit mélange entre les deux, un scénario qui sait parfois s’effacer intelligemment devant la palette de l’artiste et vice versa tout en dévoilant une personnalité très attachante… A suivre de très très près…

Attention "chef d’œuvre", on vous aura prévenu !

Par FredGri, le 7 septembre 2013

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