Karoo

Saul Karoo est script doctor pour un grand producteur hollywoodien, ce qui consiste à reformater des chefs-d’œuvre pour les aligner sur les canons hollywoodiens… Depuis des années, il traîne sa mine de cynique blasé dans les soirées, ment comme il respire et n’assume plus ses démêlées familiales en les noyant dans la vodka, sans considération pour sa propre santé. Mais un soir, alors qu’il visionne la copie d’un film qu’il doit charcuter, il reconnait la voix de Leila Millar, une jeune actrice figurante. Elle serait la mère naturelle de son fils qu’il a jadis adopté. Il décide de la prendre sous son aile, de mieux la connaître…

Par fredgri, le 25 septembre 2019

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Notre avis sur Karoo

Adapté du livre du même nom, de Steve Tesich, sorti en 1998, deux ans après la mort de l’écrivain, ce nouvel album de Bézian nous transporte dans les milieux hollywoodiens, et plus particulièrement des scénaristes. Nous suivons les pérégrinations d’un écrivain qui rêve d’écrire une adaptation moderne de l’Odyssée et qui doit se contenter, en attendant, d’intervenir sur les scénarios des autres, principalement en influant sur le montage, en dégageant ce qu’il juge superflu.

Progressivement, nous découvrons le regard cynique de Saul Karoo sur cette société du paraître, de l’illusion, du pouvoir ! Cet anti-héros aux multiples petites lâchetés, menteur et égoïste notoire laisse sa propre existence lui filer lentement entre les mains, l’éloignant de son fils, de sa femme qui l’a quitté depuis quelques années déjà !
Quand soudain, il retrouve, sans véritablement la chercher, la trace de cette inconnue qui, il y a une vingtaine d’année, abandonna son petit fils pour qu’il soit adopté par un couple aisé ! Cette bouée de sauvetage, cet élan vers une sorte de rédemption, Karoo va les saisir et tenter de se reconstruire une vertu, quand bien même on ne renie pas ses mauvaises habitudes…

Bézian nous offre alors le portrait d’un homme qu’on aimerait détester, mais qui se révèle touchant, voir même pathétique dans ses petites résolutions maladroites !
Le récit est d’une incroyable fluidité, avec une construction qui rappelle parfois l’équilibre de l’Odyssée, mais qui ne tombe pas dans le piège de la référence froide et sans âme ! Pris dans les méandres de sa vie Saul s’est éloigné de son fils, double de Télémaque, qui veut retrouver son père, mieux le connaître, tandis que lassée de le voir partir à la dérive, sa femme, telle une Pénélope moderne, s’est détournée sans vraiment le laisser partir, recréant un triangle familiale torturé et captivant !

Mais au delà de ce fond, c’est la forme du récit, ses respirations, cette science des cadrages, de l’épure qui, une nouvelle fois, nous enchantent, démontrant l’importance créatrice de Bézian, un maître de la bande dessinée moderne, une personnalité graphique hors du commun !

Un album passionnant qui marque cette rentrée !
A lire absolument !

Par FredGri, le 25 septembre 2019

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