D'après un récit d'Anton Tchékov

Il est des noms de lieux qui ne peuvent a priori susciter de l’intérêt qu’après avoir mesuré combien serait belle l’aventure à vivre pour s’y rendre. Aux yeux de Pascal Rabaté et de Jean-Hugues Berrou, l’île Sakhaline était de ces noms-là…

Cette île à l’autre bout du monde, au-delà des confins de l’infinie Sibérie, au nord du Japon, le médecin écrivain Anton Tchékov s’y était rendu en 1890 pour témoigner de ce qu’il s’y passait, alors que ceux qui la connaissaient frémissaient rien qu’en entendant son nom qui évoquait alors pour eux bagne et désolation. De retour à Moscou, Tchékov n’avait pas réussi à rassembler assez de photos à son goût pour illustrer correctement ses écrits et avait donc fait publier ses textes seuls, nus…

Plus de cent ans après, Pascal Rabaté et Jean-Hughes Berrou proposent à Anton Tchékov leurs dessins et leurs photos. Et ils les présentent dans leur propre carnet de voyage puisque dans les pas de l’auteur russe, eux aussi ont fait le voyage jusqu’à Sakhaline…
 

Par sylvestre, le 10 janvier 2010

Notre avis sur D’après un récit d’Anton Tchékov

Cet ouvrage est une réédition proposant une version revue et augmentée de celle, initiale, parue en 2005 aux éditions de l’An 2. Cinq ans auront donc passé avant que ce carnet de voyage accède à une deuxième vie, au format cartonné, avec jaquette, mais ce temps écoulé n’aura pas eu de prise sur la fraîcheur de ce qu’il y a à découvrir dans le livre… La Sibérie et l’île Sakhaline font, il est vrai, partie de ces lieux qu’on a tendance à imaginer figés à jamais, sclérosés de froid, de vide et de désuétude… Et cet esprit "hors du temps" plane en effet, bien traduit par les photos en noir et blanc montrant pour beaucoup des bâtiments abandonnés, de tristes paysages balayés par les vents ou des gens qu’on en vient à plaindre d’être nés là-bas. Par les dessins, aussi, montrant des instants anodins quand dans d’autres carnets de voyages auraient trouvé place des visuels plus touristiques, plus attirants…

Pascal Rabaté et Jean-Hugues Berrou ont fait alterner leurs textes et ceux qu’ils ont choisis de reprendre des écrits de Tchékov. Ils jouent ainsi sur le parallèle entre de vieux écrits et leur témoignage moderne. La première partie traite plus particulièrement du long voyage à travers la Sibérie. La seconde est plus vivante, donnant la parole à des personnages croisés sur le chemin.

Le tout est très envoûtant. On est dans l’un de ces univers terrestres que peu d’Européens ont visité, ce qui efface l’appréhension que suscite ce voyage "qu’on ne voudrait pas faire" au profit de l’intérêt qui est à déceler dans ce reportage et dans ce qu’il porte à notre connaissance. Il y a en plus de cela un réel respect vis-à-vis des personnes rencontrées et photographiées (ou croquées) dans la mesure où les auteurs ne font pas les fiers-à-bras d’être allés fouler ces terres lointaines et ne s’obligent pas à présenter leur expérience comme le voyage à faire absolument à notre tour. On apprécie cela… Une manière de préserver ces gens que les auteurs ont approchés et de rendre un hommage simple à leur vie, réglée sur la rudesse du climat qu’ils endurent.

Impressionnant. Intéressant. Sensible. La belle réédition d’un formidable récit de voyage entre espace et temps.
 

Par Sylvestre, le 10 janvier 2010

Publicité