Les Amazones de Londres

Londres, 1910. Les suffragettes mènent un combat violent pour obtenir le droit de vote, face à une violente répression policière. C’est dans ce contexte que Edith Garrud, professeur de jujitsu, est chargée de créer une unité de gardes du corps au sein de ce mouvement.

Par v-degache, le 26 octobre 2020

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Notre avis sur Les Amazones de Londres

Jujitsuffragettes : les Amazones de Londres emmène le lecteur à Londres au début du XXème siècle.
La Grande-Bretagne est alors touchée par un mouvement de revendication de femmes pour le suffrage universel.
Le premier mouvement des Suffragettes est fondé en 1903 avec la Women’s Social and Political Union (WSPU). C’est la WSPU qui est mise en scène dans la BD.

Mrs Emmeline Pankhurst (jouée par Meryl Streep dans le film Suffragette de Sarah Gavron en 2015) en prend la direction et oriente le mouvement vers l’action violente, à laquelle le gouvernement d’Herbert Henry Asquith répond par de nombreuses arrestations. Aucun mouvement français n’a atteint le degré de revendication des suffragettes britanniques. Même si plusieurs associations féministes naissent à la charnière des deux siècles, aucun n’aura un succès comparable. Cette contestation outre-manche axée sur un réel universalisme du suffrage, incluant donc les femmes, reste méconnue du public français. Quelques réminiscences de cours d’anglais peuvent à la rigueur rappeler au lecteur l’épisode du 4 juin 1913, lorsque Emily Wilding Davison pénètre sur la piste lors du derby d’Epsom. Renversée par l’un des chevaux, elle meurt de ses blessures. Mais Jujitsuffragettes ne propose pas un récit didactique de l’histoire du WSPU. Le scénariste Clément Xavier nous entraine dans une histoire surprenante, tout en respectant le cahier des charges de la collection « Coup de tête » de Delcourt, qui mêle sport et histoire ! En effet, au sein de ces suffragettes, se crée, sous l’impulsion de Edith Margaret Garrud, professeur de jujitsu à Londres, un groupe de combattantes, une unité d’élite spécialiste des combats rapprochés : The Amazones ou The Jujitsufrragettes. Si l’intérêt économique des colonies britanniques est alors, encore primordial, les Anglais entretiennent un certain dédain vis-à-vis de la culture de ces territoires, ce qui va laisser la possibilité aux femmes de la métropole d’exercer cet art martial… Le dessin de Lisa Lugrin (qui a déjà associé sport et histoire dans son œuvre avec Yekini, le roi des arènes sur la lutte au Sénégal) restitue bien le Londres de ce début de siècle, ainsi que la ferveur et les passions qui entourent les suffragettes. Le lecteur peut toutefois être dérouté par le style adopté, ne collant pas forcément avec ce que l’on attend d’un récit historique violent. Le trait peut paraitre « enfantin » et bascule même dans le « gros nez » parfois, alors que la dessinatrice propose par ailleurs certaines cases ou planches davantage travaillées dans un style réaliste, avec un plus gros travail d’encrage. La narration est réussie, on ne s’ennuie jamais dans l’aventure de ces combattantes féministes au sens littéral du terme, le rythme est alerte. Plusieurs séquences sont de franches réussites. On peut évoquer celle de la projection du film de Cecil Armstrong « What Every Woman Ought to Know » où les captures du film alternent avec les dessins du public. A l’issue de la projection, la parole se libère et les bulles viennent s’envoler sur les planches, exprimant ces violentes faites aux femmes. L’entrainement extérieur à la pratique du jujitsu clôt la boucle ! Le meeting d’E. Pankhurst au St Andrew’s hallde Glasgow en 1914 donne également lieu à de belles scènes spectaculaires et dynamiques de la part de L. Lugrin ! Jujitsufragettes ne tombe pas dans le panégyrique du WSPU, évoquant aussi les décisions internes au sein du mouvement, entre celles qui veulent que la lutte reste centrée sur les femmes, et celles qui l’orientent vers une dimension davantage sociale et ouvrière. L’ouvrage se termine par le traditionnel cahier historique et graphique.
On est déçu de ne retrouver qu’une page évoquant ce qu’est devenu le mouvement des suffragettes après 1914 (la BD s’arrête lorsqu’éclate le conflit mondial) et une page comportant photos et illustration en lien avec le sujet ! On aurait aimé une réelle contextualisation historique des jujitsufragettes dans ces années 1910 ! Le reste du cahier relève d’un parallèle avec le combat des femmes d’aujourd’hui, quelques dessins sans réel intérêt de la philosophe Elsa Dorlin complètent cela.
Jujitsuffragettes procure une lecture agréable, permettant de découvrir ce mouvement des suffragettes en GB, ou d’y découvrir cette unité un peu spéciale.
Si le dessin peut parfois être frustrant, les scènes s’enchainent rapidement et ne laissent pas de temps mort !
Pour approfondir ses connaissances sur le mouvement, il ne faudra par contre pas compter sur le cahier de fin d’ouvrage, et c’est bien dommage !

 

Par V. DEGACHE, le 26 octobre 2020

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