JOURNAL INQUIET D'ISTANBUL
Volume 1

 
Enfant, Ersin Karabulut a plus souvent préféré dépenser son argent de poche pour s’acheter des revues de bandes dessinées que pour s’acheter de quoi grignoter. Le jeune garçon est en effet "tombé" dans le neuvième art très tôt et ses lectures, ses découvertes, se sont transformées en une passion qui ne l’a plus jamais quitté. Au point qu’il a fait de la BD son métier malgré les difficultés auxquelles il a dû faire face puisque se faire un nom dans le domaine de la caricature dans un pays (la Turquie) où les dirigeants, vite susceptibles, ont tôt fait de vous mettre derrière les barreaux n’a rien d’un parcours sans stress et sans complications…
 

Par sylvestre, le 11 avril 2023

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Notre avis sur JOURNAL INQUIET D’ISTANBUL #1 – Volume 1

 
On connaissait déjà Ersin Karabulut pour sa BD Contes ordinaires d’une société résignée. Dans un style graphique paufiné, il nous y racontait des histoires originales et fantastiques et on se régalait de les découvrir. Dans Journal inquiet d’Istanbul, on découvre autre chose : quelque chose que les "contes ordinaires" ne laissaient pas forcément deviner au lecteur…

Journal inquiet d’Istanbul est une bande dessinée autobiographique. Fiction et fantastique n’y règnent donc pas cette fois : place à la vraie vie, l’auteur y raconte sa jeunesse et ses débuts dans le monde artistique et journalistique. Le ton est donc logiquement changeant, selon que les situations sont racontées par l’enfant, puis par l’ado ou par le jeune adulte ; et si l’humour a toute sa place (qu’en serait-il de l’oeuvre d’un caricaturiste si l’humour était absent !?), il se fait de plus en plus amer à mesure que l’on comprend les conditions dans lesquelles l’auteur et ses collègues, professionnels de l’édition ou de l’information, ont dû exercer leur métier et l’exercent sans doute encore.

Dans la Turquie de Erdogan, la liberté de la presse nous est en effet montrée contrainte. Humour corrosif et caricatures ne plaisent pas toujours, c’est normal, mais il semblerait qu’à la tête du gouvernement turc, on ne goûte pas toujours la plaisanterie au point que ceux qui osent se moquer ou dénoncer ont de fortes chances d’être "embêtés", voire de finir entre quatre murs.

On comprend ainsi mieux le titre de cette série dont ce tome 1 est ainsi fort intéressant au-delà d’un style narratif et d’un coup de crayon rieur. Et tout en concevant de l’admiration pour Ersin Karabulut et, par extension, pour tous ceux qui vivent la même chose que lui, on frémira à la lecture de ces passages où l’on mesure les dilemmes et les cas de conscience (perso, familiaux, relationnels, professionnels…) et où on se rend compte que "ce n’est pas pour rire"… Qu’en Turquie, on peut éventuellement avoir de sérieux problèmes pour ce qui n’est au départ que l’expression, par le dessin, d’opinions.

Un excellent tome 1 dont on attend la suite avec impatience. Et un parcours à saluer, à encourager.
 

Par Sylvestre, le 11 avril 2023

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