Journal d'un fantôme

Si on regarde bien on distingue une forme blanche aux traits changeants, qui se cherche, qui explore les images qu’elle croise en se baladant dans une ville japonaise. Les gens la regardent, s’étonnent, sans saisir de quoi il s’agit. Progressivement nous comprenons qu’en fait ce petit personnage est un "élément graphique" qui doit plus tard prendre la forme d’un logo, mais qui pour l’instant cherche une idée afin de trouver son graphisme, son identité… C’est difficile, car son manager qui vient le rejoindre ne cesse de le dénigrer, vulgairement… Ça n’est qu’au retour, lorsqu’il croise un artiste, dans l’avion, que ce dernier lui raconte son voyage au Brésil, qu’il trouve matière à prendre une vraie personnalité…

Par fredgri, le 7 juillet 2014

Notre avis sur Journal d’un fantôme

Je dois bien admettre être complètement passé à côté de l’édition de 2007 de cet album, chez Futuropolis, bien qu’il s’agisse de De Crecy, d’un vrai album assez conséquent et que la réflexion qui tient le récit est passionnante !
Mais qu’importe car, au final, ce qui compte c’est que Futuro ai décidé de ressortir ce volume de quelques 220 pages et de permettre ainsi aux absents de la première heure de combler cet incompréhensible oubli !

Parce qu’en fin de compte on découvre ici une réflexion très riche sur l’artiste, sur son trait, sur sa relation aux commandes officielles. De Crecy se met d’abord en scène et se sert de ses pérégrinations au Japon et au Brésil pour parler de son malaise face aux commandes qui exigent de lui des dessins sans âme, presque automatiques.
Le parallèle qu’il met en scène avec ce personnage "graphique" aux traits tremblés, à la recherche d’une inspiration, qui tente de s’immerger dans la richesse iconographique du Japon, est des plus intéressantes. Car ce personnage pourrait représenter en quelque sorte les doutes qui rythment le travail de recherche d’un artiste, cette phase ou chaque image croisée vient nourrir une sensibilité exacerbée, sur le fil du rasoir, particulièrement réceptive aux divers retours, aux regards… Le trait évolue, il est le reflet d’une humeur, d’une rencontre. L’artiste se livre et a progressivement du mal à se conformer aux limites de la commande elle même (ici, le personnage doit prendre la forme d’un logo représentant la Tour Eiffel en short…)

De Crecy a pas mal produit, justement, de carnets de voyage, de livres sur des lieux donnés, mais en parallèle il a su montrer aussi, par exemple sur son album sur le Louvre, qu’il savait se réapproprier un univers selon son imaginaire propre. Et c’est ce besoin qui est ici mis en avant, cette nécessité de s’abstraire d’un cadre trop normalisé, de sortir d’une certaine représentation stéréotypée pour découvrir des émotions plus vives, plus enthousiasmantes, comme le moment ou il découvre les petites statuettes du Mestre Vitalino, une vraie personnalité brésilienne, pleine de vie, d’expression, de singularité.

En formalisant son graphisme, en le confrontant à sa propre image, De Crecy se livre intimement, vibrant témoignage d’un homme qui s’interroge, qui veut se libérer d’une contrainte dans laquelle il ne se retrouve pas.
A la limite j’ai trouvé la partie plus "terre à terre", avec De Crecy lui même, plus profonde, même si la partie avec le graphisme personnalisé est fascinante de perspective sur le travail artistique lui même !
Il faut rajouter que graphiquement De Crécy est particulièrement inspiré, j’ai adoré le passage du trait au traitement au brou de noix !!!!

Un album qui démontre une nouvelle fois que De Crecy reste un de nos grands auteurs (dommage qu’il ai plus ou moins annoncé son souhait de ne plus faire d’album…), avec un univers très particulier et passionnant !
Très très recommandé, histoire de suivre les réflexions d’un artiste sur son travail, sur ses envies !

Par FredGri, le 7 juillet 2014

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