Je ne t'ai jamais aimé

Chester Brown est un adolescent en pleine crise : il mène la vie dure à sa mère mais est bon élève, il se fait railler par les autres garçons mais commence à plaire aux filles… Les filles et les relations amoureuses seront d’ailleurs sources de préoccupations pour ce gosse qui n’évolue pas forcément dans un milieu très stable. Entre une mère schizophrène exprimant des troubles affectifs certains et des copains difficilement supportables, Chester doit se frayer un chemin et découvrir seul les joies, les tristesses et les ambiguïtés des premiers amours…

Par Placido, le 7 août 2010

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Notre avis sur Je ne t’ai jamais aimé

Chester Brown est bel et bien une des figures de la BD indépendante nord-américaine et a marqué le domaine du récit autobiographique avec ce livre, Je ne t’ai jamais aimé. L’adolescence est un sujet riche. Il y a beaucoup à raconter car il se passe une multitude de choses nouvelles à cette période et certaines d’entre elles peuvent nous affecter avec plus ou moins de force. D’où également la difficulté d’en parler avec justesse, de ne pas tomber dans l’exhibitionnisme insipide ou dérangeant. L’auteur a réussi à contourner ces pièges facilement et nous livre une histoire toute en sensibilité et en sentiments, finement conçue pour nous toucher, nous reconnaître et nous identifier à ce subtil personnage qu’est Chester Brown.

Tout commence avec une minuscule case où on aperçoit Connie, une fille qui habite en face de Chester, c’est la grande sœur de Carrie, une fille folle amoureuse de Chester. Ainsi on suivra ces enfants vivant dans le même quartier, jouer et traîner dehors… Puis on découvrira par petite touche sa relation avec sa mère et son frère et aussi sa vie à l’école où tout ses copains de classe veulent lui faire dire des jurons « Dis putain Chester, allez dis-le ! ». C’est une période sombre pour l’auteur et il nous montre très délicatement les contours de son état plus ou moins dépressif.

Ensuite arrive les filles. Il y a Connie avec qui il aime jouer à cache-cache et discuter, Carrie qui continue de le regarder avec des grands yeux écarquillés et puis il y a Sky, une fille avec qui il mange le midi, qui l’obsédera un moment, mais Chester ne saura jamais bien quoi faire ou quoi lui dire, à part peut-être lui faire de beaux dessins. Tout ce beau monde évolue autour de Chester, on suit leur histoire par petites scénettes à premières vues anodines mais nous dévoilant à chaque fois un pan de la personnalité de chacun. Et nous comprenons ainsi à chaque fois un peu plus l’état émotionnel de Chester.

Le dessin, noir et blanc, aux traits fins et simples correspond très bien au genre intimiste de cette BD. L’originalité vient du découpage. Il n’y aucune règles, l’auteur dessine dans des petites cases et les positionnent de façon désordonnée. Certaines pages en contiennent six, d’autres qu’une seule… Cet aménagement des cases permet de faire des pauses et de distiller intelligemment l’histoire par petite gouttes.

Je ne t’ai jamais aimé tourne donc principalement autour des histoires d’amour à l’adolescence, le côté romantique est rarement présent et on assiste surtout à des scènes intimistes, parfois drôles, parfois ridicules (avec le recul), parfois troublantes (car difficiles à interpréter) et souvent touchantes. Je noterais malgré tout un petit bémol sur le dénouement qui m’a laissé peut-être un peu sur ma faim. Le côté dramatique prend de l’ampleur, l’ambiance s’assombrit et nous laissons toutes les petites histoires des personnages s’achever sans s’être terminées. Il y a vraiment cet effet là : voir un bout de la vie de Chester Brown. Son autobiographie est donc une franche réussite mais avant de crier au chef d’œuvre comme j’ai pu le lire à différents lieux, j’en parlerais comme une BD de très bonne qualité, à lire pour les amateurs du genre.

Par Placido, le 7 août 2010

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