J'AI TUE...
Marat

Dans sa cellule, à 24 ans, Marie-Anne-Charlotte de Corday d’Armont vit ses dernières heures. Après qu’un peintre ait réalisé son portrait et que ses cheveux aient été rafraîchis, la jeune femme a revêtu la chemise rouge du condamné. Elle se retrouve bientôt dehors, encadrée par des gardes nationaux qui l’installent sur une charrette. Restant debout, elle affronte la foule qui la hue sur son passage jusqu’à atteindre la Place de la République où se trouve la terrible guillotine. Prise à bras le corps, elle bascule sur la table afin que le couperet fasse son office et meurt immédiatement. Charlotte se retrouve bientôt dans l’éther face à celui qui a provoqué en quelque sorte sa chute à savoir Marat, l’homme qu’elle a assassiné le 13 juillet 1793. Comment est-elle arrivée à une telle dérive radicale ? Le face-à-face entre cette dernière et sa victime va le dévoiler.

Par phibes, le 26 mai 2016

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Notre avis sur J’AI TUE… #4 – Marat

Après avoir relaté Caïn, Gavrilo Princip et Pausanias d’Orestide, la série concept dirigée par Michaël Le Galli se fait fort d’ajouter à sa liste un nouveau personnage ayant, de son geste meurtrier, marqué l’Histoire. Cette fois-ci, c’est au tour de Marie-Anne-Charlotte de Corday d’Armont, plus connue sous le patronyme Charlotte Corday, assassin de Jean-Paul Marat le révolutionnaire, de passer sous le feu des projecteurs. Pour ce faire, le scénariste Laurent-Frédéric Bollée (Les Maîtres Saintiers, Un long destin de sang, L’ultime chimère…) et le dessinateur Olivier Martin (Cases blanches, Face cachée…) ont mis leurs compétences en commun pour en évoquer le parcours.

Force est de constater que le résultat, pleinement didactique et audacieux, est fortement intéressant. En effet, le scénariste a choisi de traiter son sujet originalement, en commençant par narrer les dernières minutes de la vie de Charlotte Corday. Elles se voient suivies par son passage éphémère dans les limbes durant lequel elle se retrouve face à sa victime. De cette rencontre hors norme et éthérée, nait une discussion qui va permettre de découvrir la destinée de la jeune femme jusqu’à son geste fatal sur Marat et d’en comprendre quelque part la motivation (sa cible incarne le mensonge et l’injustice).

Il en ressort un développement judicieusement découpé qui a le bénéfice de reposer sur des dialogues orientés efficacement entre la tueuse et sa victime, et sur un alternat volontairement désordonné de tranches de vie savoureusement choisi. Aussi, par cet exercice clair et maîtrisé qui nous plonge en pleine Terreur, l’on découvre la jeune femme, certes longuement sur ses intentions (le scénariste revient à plusieurs reprises sur sa journée tumultueuse à l’issue de laquelle elle assassine Marat dans son bain) mais aussi sur sa jeunesse, sa famille, son éducation, ses amourettes… En parallèle de cette évocation, Marat, dans son rôle de questionneur, a le privilège de se livrer aussi et de dévoiler sa nature, son combat, ses idéaux les plus radicaux.

La réussite de cet album passe inévitablement par le très beau travail graphique d’Olivier Martin. Ce dernier nous assure d’un dessin réaliste pour le moins puissant (parfois choc comme par exemple le cheminement de Corday à l’échafaud ou l’assassinat en direct de Marat) dû à l’expressivité de ses personnages, à la mise en évidence remarquable de leur caractère. De même, l’artiste nous offre une superbe restitution de la France sous la terreur via un choix pertinent de décors historiques, restitués souvent dans des perspectives fuyantes audacieuses et impressionnantes.

Une très belle restitution d’un meurtre historique menée de main de maître par un duo d’artistes au faîte de leur talent.

Par Phibes, le 26 mai 2016

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