Les Invisibles

En 1664, Colbert décide d’imposer la gabelle aux pays rédimés. En Gascogne, la jacquerie gronde. Un petit noble à l’esprit aventurier, Bernard d’Audijos, prend leur tête et, durant deux ans, va faire front contre les soldats du terrible gouverneur Pellot. Les hommes d’Audijos attaquent en petits groupes, toujours là où on ne les attend pas. Ils sont insaisissables. Ce sont les Invisibles.

Par legoffe, le 1 janvier 2001

Notre avis sur Les Invisibles

C’est une histoire vraie que nous raconte Jean Harambat, celle d’un peuple qui se soulève et, plus précisément, celle de l’homme qui organisera cette jacquerie « moderne » (les premières et les plus connues dates du Moyen-âge). Pour resituer le contexte, il faut savoir que certaines régions du royaume de France n’étaient pas soumises à la gabelle. Elles avaient, en effet, payé un forfait pour être définitivement exemptées. Ces régions étaient alors appelées « pays rédimés ».

On peut, dès lors, comprendre la colère de paysans déjà affamés quand Colbert va leur imposer à nouveau cette taxe sur le sel. Leur rage fut, de plus, exacerbée par les méthodes brutales du gouverneur Pellot qui usait d’hommes peu recommandables pour faire entrer l’impôt.

Si Bernard d’Audijos n’est pas un personnage connu au niveau national, il reste une figure héroïque du Sud-Ouest. C’est d’ailleurs suite à une commande du quotidien éponyme que Jean Harambat se lance dans ce récit, dont la version complète est maintenant disponible chez Futuropolis.

Le choix de l’auteur est original. Il  raconte cet épisode historique à travers le regard de trois femmes : la mère d’Audijos, sa sœur et son épouse. Chacune a ainsi droit à son chapitre, l’ensemble permettant d’avoir un regard complet sur la révolte menée par notre héros. C’est aussi l’occasion de voir à quel point elles ont influencé l’engagement d’Audijos dans ces combats, ce qui aura – pour elles – des conséquences importantes plus tard.

Si j’apprécie les récits historiques, c’est avant tout l’univers graphique qui m’a attiré vers ce livre en noir et blanc. Toute l’aventure des Invisibles se déroule à travers des crayonnés magnifiques. Ils donnent au récit une vivacité et une intensité extraordinaires. Ce qui pourrait paraître comme un dessin bâclé par une personne qui survolerait simplement l’ouvrage est, pour le coup, extrêmement travaillé. Il suffit de regarder le visage des personnages pour s’apercevoir qu’ils décrivent toujours avec précision l’émotion de l’instant.

L’histoire, elle, est intéressante. Elle permet de revivre un épisode historique méconnu et voir la vie misérable des paysans de l’époque. J’ai néanmoins trouvé qu’il manquait un petit quelque chose pour que le récit soit réellement saisissant. Le choix de faire vivre notre héros à travers le regard de ces trois femmes était un très bon pari. Il eut pourtant fallu donner toute leur place à ces dames. Or, elles nous semblent toujours aussi insaisissable à la fin du livre. Leur personnalité ne s’est pas vraiment dévoilée au grand jour au fil des pages. Elles sont, comme nous, spectatrices du drame, pas assez actrices. Quant à Audijos, vivant à travers le regard des autres, il souffre lui aussi un peu de la situation. Le plus attachant de tous, finalement, est pour moi Monsieur de Saint-Luc, un homme du roi, ennemi d’Audijos certes, mais aussi gentilhomme.

Un très beau livre, donc, qui raconte avec précision l’aventure d’Audijos et qui donnerait envie de mieux le connaître, lui et ses proches. Voilà ce qui manque finalement un peu à la fin de la lecture. Et c’est tout le paradoxe pour ce style de récit.

Une précision à apporter sur livre, une modification inopportune du correcteur p 38 dans la phrase d’Audijos. Il fallait lire : " J’en ai assez (de coeur) pour supporter les insultes d’une mère". (source : J.Harambat)

Par Legoffe, le 22 août 2008

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