Intrus à l'Etrange

Le grand-père de Martial décède. Au même moment sa compagne le met à la porte, au sens figuré comme au sens propre… Chez son grand-père il trouve par hasard deux valises closes destinées à un certain Félix Larose. Martial découvre également que son grand-père entretenait une correspondance amoureuse avec une dame. Désormais sans attache, le jeune homme décide de partir à la recherche de Georgette Blizard, résidant au petit village de Magnat l’Etrange. Et espère bien y trouver par la même occasion Félix Larose pour lui remettre l’héritage mystérieux de son aïeul.

Par melville, le 2 juillet 2011

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Notre avis sur Intrus à l’Etrange

Une campagne reculée, des locaux confits dans leur bêtise méchante, un récit à la trame d’un polar teinté de fantastique latent : voilà qui n’est pas sans rappeler les thématiques chères à Christophe Chabouté. Pourtant Simon Hureau réussi sans difficulté à s’affranchir du maître du genre en trouvant son propre style tant dans le dessin que le déroulement de l’intrigue. Son Intrus à l’Etrange est ce que l’on pourrait appeler un vrai récit d’auteur, en ce sens qu’il n’entre de façon évidente dans aucun genre précis. Au final plus que le récit d’une enquête, il s’agit de la fuite d’un jeune homme qui se cherche.

Le récit de la quête de soi du héros est abordé avec beaucoup de pudeur. On ne connaît presque rien de sa vie et on en apprendra finalement que très peu au fil des pages. Un parallèle peut être dressé entre l’enquête que mène Martial sur la vie de son grand-père et la notre quand on cherche à démêler le fond de cette histoire. Quand le jeune homme récupère les lettres de son grand-père il ne les lit presque pas et préfère achever la recherche de son aïeul sans en apprendre davantage. Mais ce qui le pousse à poursuivre ainsi n’est pas seulement le respect du secret de l’autre, mais également le fait qu’endosser, l’espace d’un instant, l’habit de « journaliste » lui permet de sortir de la routine grisâtre de sa vie. Il en va de même pour nous : en plaçant son récit dans un décors aux accents de polar rehaussé d’un soupçon de fantastique (ou tout du moins du doute permis face à des évènements inexpliqués), permet à Simon Hureau de captiver son lecteur sans pour autant en dévoiler trop sur la vie de son personnage. L’auteur nous emmène dans son univers avec beaucoup de malice, d’autant plus qu’il évite à chaque fois les clichés au moment même où on commençait à douter.

Visuellement, la mise en couleur au lavis ainsi que la typologie du lettrage rappelant l’écriture manuscrite, sont des choix judicieux qui apportent la douceur et la sobriété nécessaire à l’intimiste. La mise en scène dans l’agencement des cases reflète une certaine liberté et conforte l’idée que Intrus à l’Etrange est un récit personnel fruit de la sincérité d’un auteur. L’aspect chargé des décors renforce l’oppression et le confinement du climat de suspicion qui règne à Magnat-l’Etrange.

Intrus à l’Etrange de Simon Hureau est une vraie bonne surprise ! Un must à lire d’urgence de l’éditeur estimé qu’est La boîte à bulles.

Par melville, le 2 juillet 2011

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