L'île panorama

Hirosuké Hitomi est un écrivain raté qui se heurte invariablement aux refus de son éditeur lorsqu’il lui présente encore et encore ce même récit fantastique qui lui tient tant à cœur, un récit ayant pour décor le paradis tel qu’il le conçoit.

Un jour, Hirosuké Hitomi va apprendre le décès d’un ami d’enfance qui lui a toujours ressemblé comme deux gouttes d’eau et qui laisse une fortune colossale. En moins de temps qu’il n’en faut pour en avoir l’idée, Hirosuké Hitomi va mettre en scène sa disparition et prendre la place de son défunt ami, le ressuscitant en faisant croire qu’il avait en fait survécu à la crise d’asthme qui l’avait officiellement emporté et qu’il avait été enterré vivant.

Du jour au lendemain, au milieu des « siens » partagés entre doute et bonheur, à la tête d’une immense fortune, Hirosuké Hitomi devenu Genzaburô Komoda va financer la construction, sur une île déserte, du paradis qu’il avait toujours voulu faire vivre dans son roman…
 

Par sylvestre, le 2 mai 2010

Publicité

Notre avis sur L’île panorama

Il y a de la folie, dans cette histoire adaptée en bandes dessinées reprenant l’œuvre de Ranpo Edogawa ! Une folie qui surgit très rapidement puis se décline de différentes manières. Une fois passées les premières planches dont les visuels merveilleux sont à associer au roman qu’est en train d’écrire le personnage principal Hirosuké Hitomi, la nouvelle de la mort de Genzaburô Komoda arrive, déclenchant instantanément les délires dans lesquels on est ensuite entraînés !

L’île panorama commence de manière très réaliste puis, à mesure que les choses avancent, on glisse dans du fantastique kitsch teinté d’érotisme après être passé tout d’abord par la nécessaire case "scène d’horreur". Beaucoup de moments très forts sont donc à la clé, parmi lesquels l’exhumation du corps de Genzaburô Komoda, le retour du "ressuscité" chez lui ou encore lorsqu’on fait la visite du démentiel parc d’attraction imaginé par Hirosuké Hitomi.

Chacune des phases de l’histoire est fascinante, parce que même si Hirosuké Hitomi est un imposteur, un voleur d’identité, un anti-héros, on a une réelle admiration pour lui, le raté qui finalement réussit, accède à son rêve ! Et parce qu’au cours de chacune de ces phases, l’angoisse que le manège du héros soit découvert l’habite lui et nous harcèle : va-t-il se faire surprendre dans le cimetière où il cherche la tombe de son ancien ami ? Va-t-il vraiment réussir à se faire passer pour lui ? Ne va-t-il pas rencontrer d’obstacles dans ses projets fous ?!? C’est très prenant !

Beaucoup d’éléments dans le dessin rappellent le style des affiches de la "belle époque", et d’autres, sur l’île transfigurée, sont directement influencés par le style des jardins à la française ou par les univers d’auteurs comme Jules Verne ou Edgar Allan Poe. On relèvera d’ailleurs au sujet de ce dernier que Edogawa Ranpo est un pseudonyme choisi par celui qui s’appelle en réalité Tarô Hirai et qui rappelle les mots "Edgar Allan Poe" prononcés à la japonaise !!!

L’île panorama a donc ce petit quelque chose des premières œuvres de science-fiction dont le petit goût suranné a un charme fou. On y aime cette démesure du paradis imaginé par Hirosuké Hitomi, et cette saturation de détails dessinés qui servent l’ambition et les ambiances du récit tout en montrant l’étendue du talent de Maruo Suehiro, le mangaka. On trouvera aussi quelques planches avec scènes de pornographie sans que cela ne nous surprenne outre mesure : les plaisirs innombrables offerts sur cette île transpiraient cette tentation que devait avoir l’auteur d’en montrer toujours plus !

Fascinant voyage que celui que vous ferez grâce à cet ouvrage de la collection Sakka Auteurs, au carrefour entre des frissons d’horreur et de plaisir… L’île panorama a été conçue pour y vivre comme au paradis : laissez-vous donc tenter par cette lecture qui vous soufflera !
 

Par Sylvestre, le 2 mai 2010

Publicité