Idiss

En cette année 1890, dans un petit village moldave proche de la frontière roumaine, Idiss essaie avec générosité de subvenir aux besoins de ses deux enfants Avroum et Naftoul, et de ses beaux-parents pendant que son mari Schulim est parti faire la guerre pour le Tsar. Vivant dans des conditions difficiles, Idiss s’adonne alors peureusement au trafic de tabac roumain pour gagner un peu d’argent. La jeune femme finit par être arrêtée mais parvient à trouver un arrangement avec la police. Plusieurs mois après, Schulim revient à la maison. Le bonheur s’installe dans le foyer si bien qu’un an plus tard, naît la petite Chifra. Malheureusement, celui-ci finit par se déliter, Schulim s’étant mis à jouer aux cartes et à perdre beaucoup d’argent au point de s’endetter lourdement. Idiss fait en sorte de fermer les yeux. En 1900, l’ancien soldat ayant renoncé aux jeux s’est établi en tant que tailleur. Mais les ressources sont maigres. Alors que la persécution des juifs s’intensifie en Russie et dans l’Europe de l’Est, la famille d’Idiss continue à vivre presque normalement. Malheureusement, en 1901, la menace se fait encore plus grande si bien que de nombreux juifs sont obligés de quitter l’Empire russe pour émigrer vers les Etats-Unis, la France. C’est le cas d’Avroum et Naftoul qui décident de partir pour Paris. Quelques années plus tard, alors que Shulim a à nouveau endetté sa famille, cette dernière se doit de partir à son tour. Sa destination sera la France afin de rejoindre Avroum et Naftoul.

Par phibes, le 21 mai 2021

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Notre avis sur Idiss

Parue initialement en roman en 2018 aux éditions Fayard, cette belle histoire familiale évoquée par Robert Badinter, ancien homme politique connu pour son engagement dans l’abolition de la peine de mort, se voit reprise par deux spécialistes du 9ème art, à savoir Richard Malka et Fred Bernard.

Cette initiative est à saluer car elle a l’avantage de mettre en lumière une épopée authentique et dramatique vécue par les ascendants de Robert Badinter et également par lui-même enfant. Plus particulièrement, comme l’indique clairement la préface de l’auteur originel, elle se veut rendre hommage vibrant à sa grand-mère maternelle Idiss avec laquelle il a entretenu des rapports privilégiés.

De façon chronologique, Richard Malka s’est donc approprié cette évocation familiale afin d’en soutirer la matière utile à la mise en images de celle-ci. A partir de belles séquences choisies et d’une simplicité narrative confondante, l’auteur assure un focus remarquable sur celle à qui l’album est dédié, un focus qui témoigne de son parcours tourmenté et qui, bien sûr, a le privilège d’être conforté par des éléments, des faits, des références historiques (et même en fin d’album des textes de loi anti-juifs particulièrement glaçants).

On ne pourra qu’être sensibilisé par le chemin parcouru par Idiss et de sa famille, poussé par un antisémitisme ravageur, obligeant toute une communauté juive à fuir les persécutions et à émigrer sur d’autres territoires plus cléments. Richard Malka gère parfaitement son adaptation, entre tendresse et tragédie, suscitant terreur et émotions selon les évènements décrits. Tout en dénonçant indirectement les dérives de la discrimination, il ne manque pas d’honorer adroitement Idiss en la faisant paraître dans toute sa dignité, sa générosité, son amour du prochain et sa force de caractère.

Evidemment, le travail graphique de Fred Bernard a la particularité de renforcer le côté sensible de cette évocation intime. A l’appui d’un coup de crayon à mainlevée, léger, presque naïf, relevé par une colorisation directe des plus doucereuses, l’artiste nous livre une vision biographique pour le moins délicate, certes emplie d’émotions mais lourdement couronnée de drames. Il ne fait aucun doute que le message passe dans sa simplicité mais aussi dans sa manière d’expliquer certains pans obscur de l’Histoire des peuples et le déchirement qu’ils ont pu causer.

Une bien belle adaptation grand public d’une histoire familiale personnelle bouleversante et honorifique. Un témoignage à lire par le plus grand nombre !

Par Phibes, le 21 mai 2021

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