IDA
Candeur et abomination

Cela fait maintenant 3 ans qu’Ida parcourt l’Afrique, rédigeant des guides de voyages dont le succès est immense en Europe. Toujours accompagnée de Fortunée, sa dame de compagnie, elle arrive au Dahomey et se trouve hébergée dans un comptoir allemand. Elle y attend un bateau de marchandise qui devrait pouvoir la ravitailler en divers colifichets à échanger auprès des tribus mais surtout en papier dont elle est privée depuis des mois.
Profitant de cette pause forcée dans son périple, elle décide de partir, avec quelques porteurs, à la recherche des hippopotames. Ce qui devait n’être qu’une courte excursion va la conduire jusqu’à la cour du roi Béhanzin.

Par olivier, le 23 janvier 2011

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Notre avis sur IDA #2 – Candeur et abomination

C’est avec beaucoup de plaisir que nous retrouvons notre exploratrice en corset et robe à cerceaux dont les déjà trois années passées en Afrique n’ont absolument pas entamé la candeur.
Fascinée par l’exotisme, elle ne peut cependant se départir de son regard européen, de ses préjugés et de l’idéologie colonialiste qui prévaut en ce XIXème siècle. Suissesse d’origine, Ida trouvait déjà la France pittoresque, aussi, lorsqu’elle se retrouve invitée à la cour de Béhanzin, beaucoup de choses lui échappent, et c’est peut-être tant mieux pour elle.
Ce second tome marque un tournant dans la vie africaine d’Ida, miraculeusement épargnée jusqu’à présent, cataloguant la faune et la flore et s’amusant des "coutumes bizarres" qu’elle observe sans chercher vraiment à les comprendre. Formatée par son éducation et la vision colonialiste de l’Europe, son inconsciente ingénuité l’empêche d’avoir une vision objective et neutre de ce qu’elle découvre.
Déformé par le prisme du romantisme ou d’une rêverie nostalgique, le regard qu’elle porte, et qui est retranscrit dans ses guides, s’il est un ravissement pour ses lecteurs est bien loin de la réalité.

Son invitation à la cour de Béhanzin, en guerre contre les coloniaux français, va placer Ida en face d’une vérité et d’une Afrique réaliste. Entre un roi attaché à une culture sanguinaire et les soldats français qui cherchent à mettre la main sur les richesses du pays, l’aventure tourne mal pour elle, le choc est si violent que sa raison en est ébranlée.

Le récit de Chloé Cruchaudet est toujours aussi enlevé et touchant, saupoudré d’une touche d’humour apportée par le regard d’Ida, et qui atténue la violence intrinsèque du choc des cultures, elle nous offre au travers d’une aventure peu commune une double vision de l’Afrique du XIXème. On retrouve d’une part la réalité historique et d’autre part la vision idyllique que s’en fait, de loin, la bourgeoisie européenne.

Un second tome fort, qui caresse encore davantage la réalité colonialiste et qui développe l’empathie envers Ida qui va finir par se retrouver seule, au milieu d’un carnage, et on oublie un instant son coté irritant, exaspérant, pour communier avec elle à l’abord de cette forêt où gisent pêle-mêle les combattants.
Le trait de Chloé Cruchaudet, léger, trouve toute sa profondeur dans ses portraits dont les expressions complètent merveilleusement les dialogues. Sa mise en scène et son découpage, avec une utilisation très dramatique de la focale, apportent a cet album une densité et une émotion intense.

Par Olivier, le 23 janvier 2011

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